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Cette tirade m’a échappé… elle est écrite, qu’elle reste. Havelaar avait beaucoup d’expérience. Au lieu de celle qu’on acquiert en déménageant du canal A à la rue B, il avait fait naufrage plus d’une fois, et sur le journal de sa vie étaient inscrits : „incendie, insurrection, guet-à-pens, guerre, duels, luxe, misère, faim, choléra, amour, amourettes.” Il avait visité bien des pays ; il s’était trouvé en contact avec des hommes de races, de classes, de préjugés, de mœurs, de religions et de couleurs diverses. Donc, pour ce qui concernait les allées et venues, les hommes et les choses, en un mot les différentes circonstances de la vie, il n’avait tenu qu’à lui d’avoir de l’expérience.

La sensibilité de son cœur et la vivacité de son esprit, nous sont de sûrs garants qu’il en avait, quand même, beaucoup ; et, de plus, qu’il n’avait pas traversé la vie, sans en saisir au passage les abondantes impressions qu’elle lui fournissait. Son visage portait peu de traces de ce qu’il avait éprouvé et souffert. Bien qu’on aperçût sur ses traits quelque fatigue, elle faisait plutôt penser à une jeunesse mûrie trop vite, qu’à une vieillesse prochaine, à laquelle on devait pourtant s’attendre, aux Indes l’homme de trente-cinq ans n’étant plus jeune. Ses sensations étaient donc restées très-vives.

Havelaar pouvait s’amuser avec et comme un enfant. Souvent il regrettait que le petit Max fût encore trop jeune pour jouer au cerf-volant, que, lui, le „grand Max” aimait tant. Il faisait des parties de saute-mouton avec les garçons, dessinait volontiers un modèle de broderie pour les filles ; et maintes fois, leur prenant l’aiguille des mains, il s’amusait à singer leur travail, tout en leur disant qu’elles