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l’effet qu’aurait pu produire la brigade de carabiniers, si elle était restée intacte. Vers trois heures, les têtes de colonne du général Bulow se montrèrent, fort au loin du côté de Saint-Lambert. On a dit que l’apparition de ces têtes de colonne avait causé une erreur funeste, que dans ces troupes ennemies, on avait cru reconnaître l’avant-garde du corps d’armée du général Grouchy ; une pareille erreur est peu probable. L’arrivée de Bulow eut une influence fatale sur le sort de la bataille, mais seulement en ce qu’elle nécessita la distraction de 10.000 hommes pris sur le gros de l’armée, déjà si faible. L’attaque des Prussiens sur ce point fut non-seulement continue, mais repoussée avec une vigueur au dessus de tout éloge, par le comte de Lobau et le général Duhesme. Ce fut là, peut-être, le plus beau fait d’armes de la journée ; ce fut surtout un service bien important ; car si le mouvement de Bulow eût réussi, l’armée française était coupée, et la route de Charleroi lui était fermée. — Après une résistance admirable, le comte de Lobau et le général Duhesme, entourés par un brusque mouvement d’une colonne prussienne, étaient tombés au pouvoir de l’ennemi. L’Empereur envoya la jeune garde pour sauver le corps du comte de Lobau ; l’impétuosité de ce corps d’élite fit beaucoup de mal aux Prussiens, et la prise du village de la Haie, qui eut lieu en même temps, arrêtèrent le mouvement de Bulow, tourné ainsi par sa droite. — Les Anglais avaient voulu profiter de cette diversion pour reprendre la Haie-Sainte, ils furent repoussés vigoureusement. — Il était plus de six heures, le corps prussien, après avoir renoncé à son mouvement, finit par rétrograder. La cavalerie française, malgré les efforts des Anglais, s’était maintenue sur le plateau, avait enfoncé ses carrés, enlevé trois drapeaux, désorganisé un grand nombre de batteries et pris plusieurs pièces de canon ; l’épouvante commençait à régner dans toute la ligne ennemie ; des fuyards gagnaient déjà Bruxelles, et le duc de Wellington s’écriait dans son anxiété : « Vienne enfin la nuit ou Blücher ! » — Dans ce moment, l’Empereur crut que le moment était arrivé de faire une attaque définitive, et rappela à cet effet diverses batteries de la garde, qui avaient été détachées vers Planchenoit ; mais l’armée ennemie apprenait en même temps l’arrivée du maréchal Blücher et du premier corps prussien qui avait quitté Wavres et venait, par Ohain, se joindre à elle. Ce renfort considérable n’était pas le seul qui lui vînt si à propos ; deux brigades de cavalerie, fortes de six régiments, qui avaient été placées en réserve sur la route, devenues disponibles par l’armée prussienne, rentrèrent en ligne. — La cavalerie française qui était sur le plateau, vit arriver les Prussiens, et les brigades de cavalerie anglaise, en même temps que trois bataillons français de la deuxième ligne de droite battaient en retraite par un malentendu ; elle parut étonnée et indécise. L’Empereur voulut prévenir le découragement. — Il lui restait toute la vieille garde intacte ; le jour tirait à sa fin ; on se battait faiblement ; mais tout en cédant on ne lâchait pas encore pied, et les corps n’étaient pas sérieusement entamés. Si désormais un succès était impossible, ou pouvait du moins gagner la nuit sans désastre et se retirer derrière la Sambre, en conservant précieusement la seule réserve qui restât. L’Empereur n’en jugea pas ainsi, la vieille Garde fut engagée. C’était là un coup décisif, il pouvait tout réparer ou tout perdre ; s’il ne réparait rien, il laissait l’armée sans aucune ressource. — La garde, malgré son courage, malgré son admirable dévouement,