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de se faire passer un instant pour un des pilotes du Gange. « Je cours sur ce gros Anglais, dit-il à ses gens, je l’accoste : à un signal que je vous ferai, vous reparaîtrez sur le pont ; nous ferons une décharge de mousqueterie pour effrayer l’équipage, nous sauterons à bord et nous prendrons le bâtiment. » Les choses se passèrent comme il l’avait dit. Le combat qui s’engage sur le pont du Triton est terrible ; le capitaine anglais et dix de ses hommes sont tués, cinquante autres sont blessés, et Surcouf reste maître du vaisseau, n’ayant eu que deux blessés et un mort parmi les siens. Il fait signer un cartel d’échange à ses prisonniers, les envoie à Madras sur son petit schooner qu’il dépouille de toutes ses armes et mène son importante capture à l’île de France.

Il remet à la mer le plus tôt qu’il peut, pour profiter de la chance qui paraît lui sourire, et cette fois c’est avec un corsaire un peu plus grand qu’il va en croisière. Après quelques jours de navigation, il rencontre trois vaisseaux de la Compagnie qui lui donnent la chasse. Ces vaisseaux sont gros, bien armés, et un d’eux porte 200 hommes de troupes passagères. Surcouf manœuvre habilement, il les divise, s’empare du plus voisin en moins de temps qu’il ne faut à celui qui vient après pour le rejoindre, aborde ensuite le second qu’il capture, et force le troisième à prendre la fuite. Ce fait d’armes prouve l’habileté et le courage du corsaire. Voici qui prouve son humanité : comme il montait à l’abordage du premier des bâtiments anglais, un des Lascars de son équipage poursuivait, le poignard à la main, un jeune midshipman d’un extérieur remarquable. L’Anglais, effrayé, éperdu, alla chercher un refuge dans les bras de Surcouf. Celui-ci lui fit un rempart de son corps au risque d’être frappé par le Lascar furieux. Léger comme le tigre, dont il avait la férocité, le matelot tourna plusieurs fois autour de son capitaine et perça la poitrine du midshipman que Surcouf défendait en vain. Baigné de ce sang qu’il avait voulu empêcher de couler, Surcouf laissa tomber sur le pont la victime de l’Indien, courut sur celui-ci et lui brûla la cervelle.

En 1799 la frégate la Preneuse, commandée par l’intrépide Lhermite, venait de se perdre à l’île de France. L’équipage attendait une occasion de retour ou d’embarquement. Le bruit se répand que la Confiance va faire la course. C’était une corvette portant 26 canons de six, commandée par Surcouf. L’équipage fut bientôt formé des hommes de la Preneuse et d’un bon nombre de frères-la-côte, matelots de toutes les provenances, gens à toute épreuve et loups de mer s’il en fut. Enfin Surcouf embarqua quelques mulâtres libres de l’île Bourbon, chasseurs renommés, qui placent une balle dans la tête d’un lièvre à deux cents pas.

Deux mois s’étaient passés ; six bâtiments avaient été pris et dirigés sur la colonie ; la course touchait à son terme, lorsqu’un matin la vigie cria : Navire ! Laisse arriver, crie Surcouf, le cap dessus ! tout le monde sur le pont ! — Cet ordre est le signal d’un tumulte effrayant. Surcouf et ses officiers, Vieillard, Fournier, Puch, sont sur les barres de perroquet, cherchant à percer le voile des vapeurs du matin. Tout le monde est d’accord sur ce point : c’est un vaisseau de guerre ou un vaisseau de la compagnie des Indes. — À dix heures la batterie du navire est distincte, deux ceintures de fer y déploient 56 canons. On n’en est qu’à deux lieues. Une apparence de sécurité contrastait à bord avec cet extérieur guerrier. On apercevait un certain nombre de dames à bord. Hissez le pavillon, dit Surcouf, et assurez-le