Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/548

Cette page n’a pas encore été corrigée

sa ville natale, conserva à la France pour dix millions de matériel d’artillerie. Le même jour, 11 juillet, il envoya trois généraux pour annoncer au roi qu’il était reconnu par l’armée, dont le commandement lui fut continué.

Exclu de la Chambre des pairs par l’ordonnance du 24 juillet 1815, époque à laquelle la réaction royale commençait à exercer ses fureurs, le duc d’Albuféra fut rappelé dans cette chambre par une ordonnance du 5 mars 1819. Par de futiles raisons de cour, il ne fit pas partie de l’expédition de 1823, en Espagne, sous les ordres du duc d’Angoulême, et mourut à Marseille, le 3 janvier 1826, âgé de 54 ans seulement. Sa dépouille fut transportée à Paris.


SURCOUF (Robert)

né en 1773 dans le petit village de Bénic, près de Saint-Malo. Il descendait par sa mère de Duguay-Trouin. Ce célèbre marin, l’un des plus intrépides qu’aient produits les dernières guerres, s’était embarqué dès l’âge de 13 ans, et après quelques voyages dans les mers d’Europe, il partit pour l’Inde, où il devait se signaler par des faits d’armes presque incroyables. Nommé capitaine à l’âge de vingt ans, il commanda successivement les corsaires la Clarisse, la Confiance et le Revenant. C’était un homme d’une force remarquable, quoiqu’il fût très-gros et qu’il n’eût qu’une taille ordinaire. Sa figure était vivement colorée, et ce n’était pas la débauche qui la rougissait, car il était très-sobre. Son intérieur était doux et heureux comme celui du citoyen le plus paisible : aussi n’était-il pas corsaire par tempérament ; il n’éprouvait pas ce besoin du désordre, du pillage, de la violence, du sang, qui a mis en saillie dans les fastes de la navigation tant de beaux courages si mal appliqués. — On dit que c’est l’amour qui le jeta dans une profession qu’il a d’ailleurs honorée.

Surcouf naviguait encore pour le cabotage, lorsqu’il se fit aimer d’une jeune personne dont il voulut obtenir la main. Il alla la demander à son père, homme riche, qui refusa net le jeune prétendant, et pour le décourager plus complètement, il lui dit sur le ton de la plaisanterie : Eh bien ! Surcouf, reviens me voir quand tu seras devenu bien riche, et peut-être alors nous ferons affaire.

Surcouf prit cette réponse au sérieux et alla tenter la fortune dans l’Inde. À cette époque, elle était encore là pour les marins hardis : c’était en 1796. Un mauvais petit bâtiment le porta jusqu’à l’île de France. La course enrichissait dans ces parages ceux qui s’y livraient avec résolution. Surcouf s’y livra. Quelques jeunes gens de l’île de France armèrent un petit corsaire pour Surcouf qui fit voile courageusement pour les côtes de l’Inde, avec un équipage de Lascars. À l’embouchure du Bengale, où il se dirigea d’abord, il rencontra un petit convoi escorté par un bateau pilote, armé en guerre ; il aborda le pilote-boat et le prit ; il s’empara ensuite des bâtiments marchands anglais, se débarrassa de ses prises, de son propre navire, et passa sur le schooner avec dix-neuf hommes seulement.

Ce premier succès enhardit Surcouf, qui va tenir la mer, courant après tous les bâtiments qu’il apercevra, en corsaire non autorisé, car il est parti de l’île de France sans ces lettres-patentes, qu’on appelle lettres de marque, qui donnaient au vol sur mer une apparence de légalité. Bientôt il aperçoit un gros trois-mâts ; il met le cap dessus : c’était un vaisseau de la compagnie des Indes, monté par 150 Européens et armé de 26 canons de 12 ; il se nommait le Triton. Comment prêter le flanc à un si fort ennemi ? le pilote-boat avait deux canons seulement ! Surcouf fait cacher tout son monde ; l’idée lui était venue