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lieutenant-général Aymar, qui commandait à Lyon, une dépêche télégraphique ainsi conçue : « Mes communications sont coupées, mes forces diminuent d’heure en heure, et je me vois, autant dans l’intérêt de l’humanité que dans celui de mes troupes, obligé d’évacuer Lyon. » Dans cette situation critique, l’abandon de Lyon aurait eu une telle portée, qu’il était impossible de l’envisager sans frémir. Mais la France avait, en 1834, pour premier ministre, un des lieutenants de Napoléon, un de ces illustres capitaines à l’âme stoïque, au cœur de bronze que le danger retrempe et grandit, et qui, pendant toute sa glorieuse carrière, avait constamment pratiqué l’admirable devise de vaincre ou mourir.

Voici la réponse du duc de Dalmatie ; elle ne se fit attendre que le temps strictement nécessaire pour l’écrire sous sa dictée et le télégraphe l’emporta. L’antiquité, l’histoire militaire moderne n’en offre pas de plus brève et de plus héroïque : « Vous conserverez toutes vos positions ; vous n’évacuerez point Lyon ; vous vous accrocherez à ses murs et vous vous ensevelirez sous ses ruines. »

La lettre suivante écrite au général commandant la ville de Lyon, à propos de ce même épisode, est aussi significative : « Général, je reçois à l’instant vos deux lettres du 14 de ce mois, etc., etc. Je ne puis croire que vous m’avez écrit tout cela, car vous me forcez à vous demander ce que vous avez fait pour l’empêcher. Comment ! l’effigie d’un fonctionnaire nommé par le roi est brûlée sur la place publique, et vous me le racontez froidement ! Un des premiers magistrats de la Cour royale est obligé de se soustraire aux assassins, et vous ne m’apprenez pas ce que vous avez fait pour la sûreté de sa personne qui devait vous être sacrée ! Vous avez en outre le triste courage de me dire que le 9e bataillon de chasseurs ne fait, momentanément, aucun service ! Cette conduite passe mon imagination et m’oblige à vous demander si vous vous êtes bien rappelé que le roi vous avait honoré de sa confiance, en vous donnant le commandement d’une de ses plus importantes divisions militaires. Je vous l’avoue, j’en suis aujourd’hui à regretter les témoignages de satisfaction que je vous avais précédemment exprimés. Mais, indépendamment de ces faits, vous ayez laissé exister des barricades, en en faisant suspendre l’enlèvement par la troupe de ligne, lorsque vous avez été prévenu que le préfet avait réclamé le concours de la Garde nationale. C’était, au contraire, le moment d’agir, et d’agir avec assez de vigueur pour que les traces de l’insurrection disparussent à l’instant même ; là était votre devoir. Ce n’est pas tout. Il m’est revenu encore, et je désire que cette nouvelle ne soit pas vraie, que le poste du 9e bataillon de chasseurs qui était à votre porte, a dû rentrer dans l’intérieur pour faire place à un poste de la Garde nationale que vous y avez installé. Vous avez aussi fait relever par la Garde nationale le poste de la ligne qui était devant la maison du procureur général. Est-il possible, Général, que vous ayez eu cette faiblesse, que vous ayez montré cet oubli de vos devoirs ? Je vous ordonne de me rendre compte sur-le-champ et de ce que vous avez fait et des motifs qui ont pu vous y déterminer. Quant à l’inaction que vous avez imposée au 9e bataillon de chasseurs, en lui retirant tout service, et en consentant même, si je suis bien instruit, à ce qu’un poste de Garde nationale fût établi devant sa caserne, l’histoire militaire n’offre pas d’exemple d’une semblable humiliation. Que voulez-