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trois bâtiments anglais de la compagnie,des Indes, portant ensemble quarante-quatre bouches à feu. Ces prises n’amenèrent qu’après un combat où le capitaine français, par un hasard remarquable, eut encore sa jambe de bois emportée par un boulet.

Pléville, qui s’était déjà fait une belle réputation par son courage et ses talents, se vit contraint de renoncer pour quelque temps à la navigation, sa santé délabrée ne lui permettant plus de supporter les fatigues de la mer. Il fut alors employé dans les arsenaux. Administrateur habile et probe, fonctionnaire éclairé, homme énergique, travailleur infatigable, les services qu’il rendit dans les ports le firent nommer lieutenant de vaisseau en 1762.

Il occupait le poste alors très-important de lieutenant de port à Marseille, lorsque la frégate anglaise l’Alarme, battue par la tempête dans la soirée du i" mai 1770, s’affala sur la côte de Provence, au milieu des rochers sur lesquels elle courait le danger imminent de se briser. Ce sinistre donna à Pléville l’occasion de déployer ses connaissances nautiques, son sang-froid et son courage. Averti de l’état de détresse du bâtiment étranger, il rassemble à la hâte les pilotes du port, s’entoure des marins les plus intrépides, et à leur tête vole au secours des Anglais, en affrontant au milieu des ténèbres d’une nuit d’orage les périls d’une mer en fureur. Il s’amarre à un grelin, s’affale le long des rochers, et parvient avec sa jambe de bois à bord de la’frégate dont il prend le commandement. Le bâtiment avait déjà donné plusieurs coups de talon, il commençait à toucher. Pléville ordonne une manœuvre qui le remet à flot : son courage surmonte les obstacles, ses connaissances théoriques et pratiques aplanissent les difficultés, et l’Alarme, arrachée aux dangers de la côle, sauvée d’un naufrage certain, est conduite comme par miracle dans le port de Marseille. Cette frégate était commandée par le capitaine John Jervis, mort amiral de la flotte britannique, et connu dans les fastes de la marine sous le nom de lord Saint-Vincent. L’intrépide dévouement du lieutenant du port de Marseille fut dignement apprécié en Angleterre. Les lords de l’amirauté lui donnèrent un éclatant témoignage de la reconnaissance du gouvernement britannique, en chargeant le capitaine Jervis de retourner à Marseille avec la frégate l’Alarme, pour remettre en leur nom à Pléville-le-Pelley un présent fort riche, et une lettre par laquelle ils lui exprimaient les sentiments que sa conduite leur avait inspirés.

La lettre était ainsi conçue :

« Monsieur, la qualité du service que « vous avez rendu à la frégate l’Alarme « fait la noble envie et l’admiration des « Anglais. Votre courage, votre prudence, votre intelligence, vos talents « ont mérité que la Providence couronnât vos efforts. Le succès a fait votre « récompense ; mais nous vous prions d’accepter comme un hommage rendu « à votre mérite et comme un gage de « notre estime et de notre reconnaissance, ce que le capitaine Jervis est « chargé de vous remettre de notre « part.

« Au nom et d’ordre de Milords, « STEPHANS. »

Le présent, d’une magnificence toute royale, consistait en une pièce d’argenterie en forme d’urne, sur laquelle étaient gravés des dauphins et autres attributs maritimes, avec un modèle de la frégate l’Alarme ; le couvercle, richement ciselé, était surmonté d’un triton. Ce vase, remarquable par l’élégance de sa forme et le fini du travail, portait d’un côté les