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doubler le nombre et la célérité des coups. Vers midi, une nouvelle batterie était construite, plus près de la ville que les autres ; elle tirait par conséquent avec plus de certitude. L’armée avait appris que l’assaut aurait lieu le lendemain : elle accueillit cette nouvelle avec une grande joie : en effet il était temps. Non-seulement les troupes avaient horriblement souffert, mais depuis le 10 les chevaux et les mulets n’avaient pas mangé un grain d’orge ; ils mouraient par centaines. Ajoutez à toutes ces misères le manque absolu de bois. À la fin du siège, les soldats ne trouvaient même plus quelques misérables tiges de chardons pour faire leur soupe. Le bivouac était affreux, surtout pendant les nuits froides et humides, où l’on n’entendait que le bruit des averses, les hurlements d’un vent glacial, les plaintes des malades et les hennissements des chevaux affamés. Heureusement, le i2 octobre, le ciel s’éclaircit un peu et avec lui l’humeur des soldats. On ne saurait se faire l’idée de l’influence qu’exerce l’atmosphère sur le moral d’une armée dans des circonstances pareilles. Le 13, le soleil se leva sur un horizon entièrement dégagé de nuages ; cela parut un signe de bon augure. Les corps désignés pour l’assaut poussèrent des cris de joie. La première colonne d’attaque fut formée par un bataillon de Zouaves, deux compagnies du 2ee léger, la compagnie franche et une partie du génie sous le commandement du colonel Lamoricière. Cet officier a le don d’exciter l’enthousiasme des soldats. Les Zouaves, couchés dans une tranchée, s’étaient approchés de la brèche jusqu’à une distance de soixante pas ; ils y avaient séjourné pendant 24 heures en attendant le signal de l’assaut, qui devait être donné par huit coups de canon tirés à la fois. Les boulets devaient soulever un nuage de poussière près de la brèche pour empêcher les assiégés de tirer sur les premiers assaillants. À huit heures du matin, les fanfares de la musique de la légion étrangère accompagnèrent le bruit des huit coups de canon ; la musique, les tambours des autres régiments répondirent à ce signal. Le colonel Lamoricière sauta de la tranchée et s’élança le premier, le sabre à la main, sur la brèche ; les Zouaves et les autres corps le suivirent au pas de charge. À ce moment, tous les Arabes et Kabyles postés sur les collines du sud et de l’ouest poussèrent des cris sauvages si bruyants qu’on n’entendait plus les fanfares de la musique française ; bientôt ils se lassèrent de crier, et à leurs hurlements succédèrent des sons rauques et plaintifs : c’était comme le chant de mort de la ville du diable. Une demi-heure après, les Français étaient maîtres de la brèche.

« La seconde colonne d’assaut se composait des compagnies d’élite du 17ee léger et du 47ee de ligne, des tirailleurs d’Afrique et de la légion étrangère. Le colonel Combe, qui la commandait, arriva devant la brèche au moment où les Zouaves demandaient des échelles. C’est que, derrière la brèche, il n’y avait pas d’entrée dans les rues, mais une porte fermée et des maisons percées de créneaux. Cet obstacle fut écarté par une formidable explosion de poudre qui tua plus de cinquante Français et en blessa un plus grand-nombre. Les récits sur les causes de cette explosion sont fort contradictoires ; comme ceux qui en furent les plus proches témoins y périrent, il a été bien difficile d’obtenir sur ce point des renseignements exacts. Quoi qu’il en soit, cette catastrophe qui fut fatale à tant de braves détruisit les derniers retranchements de l’ennemi. Les Zouaves se précipitèrent dans les rues, la baïonnette en avant. Le combat, qui eut lieu sur la brèche et dans la rue, ne dura