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désert montagneux d’une monotonie mortelle, où l’on ne rencontrait pas une habitation humaine.

Dans la situation terrible où se trouvait l’armée, il n’y avait pas un seul instant à perdre pour établir les batteries de brèche. Le nombre des malades croissait, les vivres commençaient à manquer ; le 10, les chevaux avaient déjà mangé tout leur fourrage. Pour faire monter l’artillerie sur le Coudiat-Aty en traversant la rivière du Rummel, on attela jusqu’à vingt chevaux à une seule pièce ; on parvint enfin avec des peines inouïes à surmonter tous les obstacles. Ce transport était d’autant plus difficile qu’on ne pouvait l’opérer que la nuit pour éviter le feu des assiégés. Le 10, toutes les pièces de 24 étaient placées sur la colline, et le 11 elles commencèrent à lancer leurs boulets contre les murs, entre les portes Bal-el-Oued et Bab-el-Decheddid, seul point où une brèche fut praticable ; c’est là que finit le profond précipice qui environne toutes les autres parties de l’enceinte ; le rocher n’y forme pas une muraille escarpée, et l’on y communique du Coudiat-Aty par une haute jetée. Sans cet unique point vulnérable, Constantine serait un autre Gibraltar qu’on pourrait détruire par des bombes, mais non pas prendre d’assaut. Le gouverneur, le duc de Nemours, le général Perregaux, chef d’état-major, se rendirent de Mansourath à Coudiat-Aty pour observer les effets produits par les batteries de brèche. La communication entre ces deux positions n’a jamais été interrompue, mais le passage du Rummel était toujours dangereux : d’un côté le feu des assiégés nous foudroyait ; de l’autre, de nombreux groupes de cavaliers, perchés sur les collines comme des oiseaux de proie, fondaient sur les hommes isolés qui essayaient de passer la rivière. Un soldat s’étant écarté des avant-postes pour couper du bois, des Arabes s’élancèrent sur lui, et avant qu’on eût eu le temps de tirer un coup de fusil, lui coupèrent la tête et reprirent leur volée. 300 Arabes environ campaient sur les hauteurs auprès de l’aqueduc colossal des Romains ; leur quartier général était à une petite demi-lieue au sud de Coudiat-Aty, non loin d’une vaste habitation appartenant au bey, là où commençaient les beaux jardins d’arbres fruitiers. On disait qu’Achmet y était en personne, entouré de 4.000 cavaliers arabes du désert de Saarah et de quelques Kabyles à pied. Ces derniers s’approchèrent quelquefois des tirailleurs français jusqu’à une demi-portée de fusil ; mais leurs attaques furent toujours conduites sans énergie et avec le désordre habituel à ces hordes, et qui les rendent si inférieures à des troupes régulières en rase campagne. Lorsqu’ils s’aperçurent du peu d’effet de leur feu, ils cessèrent et se bornèrent pendant les derniers jours à observer l’ennemi. Il y avait dans leur camp beaucoup de femmes qui, à l’instar des femmes des anciens Germains, encourageaient les guerriers par des cris et des applaudissements.

Dans la matinée du 12, la brèche était devenue si large que douze hommes de front auraient pu y passer. Vers huit heures, le gouverneur fit cesser le feu parce qu’il attendait le retour d’un parlementaire envoyé dans la ville pour sommer les habitants de se rendre. Ceux-ci retinrent le parlementaire jusqu’à ce qu’ils eussent un peu réparé la brèche avec de la terre, puis ils firent répondre : « Si vous demandez de la poudre, nous vous en donnerons ; si vous demandez du pain, vous en recevrez ; mais vous n’aurez pas la ville tant qu’un seul de ses défenseurs sera debout. » Après la réception de cette réponse on