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avec tant d’abondance et de continuité, que les soldats, au bivouac, furent exposés à toutes les rigueurs d’un hiver de la Russie ; les terres, entièrement défoncées, rappelaient les boues de la Pologne.

On apercevait Constantine et, déjà, on désespérait presque d’arriver sous ses murs. L’armée se mit toutefois en marche le 20, et parvint, à l’exception des bagages et d’une arrière-garde, au monument de Constantin, où l’on fut obligé de s’arrêter. Le froid était excessif. Plusieurs hommes eurent les pieds gelés ; d’autres périrent pendant la nuit, car depuis Raz-el-Akba on ne trouvait plus de bois.

Enfin, les bagages sur lesquels on doublait et triplait les attelages, ayant rejoint l’armée, elle franchit, le 21, le Bou-Merzoug, un des affluents de l’Oued-Rammel et prit position sous les murs de Constantine. Cette ville est défendue par la nature même : un ravin de 60 mètres de largeur, d’une immense profondeur, et au fond duquel coule l’Oued-Rammel, présente pour escarpe et contrescarpe un roc taillé à pic, inattaquable par la mine comme par le boulet. Le plateau de Mansourah communique avec la ville par un pont très-étroit et aboutissant à une double porte très-forte et bien défendue par les feux de mousqueterie des maisons et des jardins qui l’environnent.

Le maréchal Clausel occupa le plateau de Mansourah avec le duc de Nemours et les troupes du général Trézel ; le général de Rigny eut ordre de s’emparer des mamelons de Koudiat-Aty, d’occuper les marabouts et les cimetières en face la porte Ez-Rabahah et de bloquer cette porte. Malheureusement il était impossible de conduire sur ce point, le seul attaquable, l’artillerie de campagne. Le bey Achmet avait craint de s’enfermer dans Constantine, il en avait confié la défense à son lieutenant Ben-Haïssa, et avait introduit dans la ville 1.500 Turcs et Kabyles bien déterminés à la défendre.

La brigade d’avant-garde se porta sur les hauteurs qui furent successivement enlevées. Le maréchal fit diriger le feu de l’artillerie contre la porte El-Cantara. Le 22, cette brigade soutint un combat brillant contre les Arabes sortis par celle des portes que l’armée ne pouvait bloquer, puisqu’elle ne comptait plus que 3.000 hommes sous les armes. Le temps continuait à être affreux, la neige tombait à gros flocons ; le vent était glacial ; les munitions et les vivres épuisés.

Le 23, nouvelle attaque des ennemis qui furent repoussés. Deux attaques simultanées contre les Français, dans la nuit du 23 au 24, n’eurent pas de succès. Beaucoup d’hommes furent mis hors de combat. Le 24, le maréchal ordonna la retraite. Cette première journée fut très-difficile ; la garnison entière et une multitude de cavaliers arabes attaquèrent notre arrière-garde avec acharnement ; le commandant Changarnier, du 2e léger, se couvrit de gloire en cette circonstance et s’attira les regards et l’estime de toute l’armée. Entouré d’ennemis, il forme son bataillon en carré et, au moment d’une terrible attaque, fait ouvrir un feu de deux rangs à bout portant, qui couvre d’hommes et de chevaux trois faces du carré.

Le 26, l’armée campa à Sidi-Tam-Tam. Le 27, elle avait passé le défilé difficile qui conduit au col de Raz-el-Akba, et les Arabes abandonnèrent leur poursuite. Le 28, elle atteignit Guelma où elle laissa ses malades. Le 1er décembre, elle était de retour à Bone : elle avait eu dans cette expédition 453 morts ou égarés et 304 blessés, résultat funeste qui devait être suivi d’une glorieuse compensation.