Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée

les choisissait à l’épreuve qui ne trompe pas ; et comme dans cette guerre acharnée, nuit comme jour, hiver comme été, l’on était toujours aux prises, les grades ne manquaient pas plus que les occasions de les mériter. C’est pourquoi, de 1792 à 1799, d’abord soldat, bientôt officier, puis aide-de-camp du savant Meusnier et du célèbre Joubert, frappés mortellement à ses côtés, on vit ce jeune guerrier, soit en France, soit aux armées du Rhin et d’Italie, monter rapidement par tous les grades jusqu’à celui de colonel, au choix et aux acclamations de ses chefs et de ses camarades.

Ici, au milieu des montagnes de Gênes et de nos corps battus, abandonnés et découragés, la position est devenue plus élevée, plus difficile,’et plus que jamais cependant le jeune colonel la domine. Il vient d’y prendre le commandement du 3e de ligne, en proie comme toute l’armée au désespoir des revers, et à une misère si affreuse, que tout périssait par la désertion et l’indiscipline- Environné d’ennemis, en butte à tous les feux les plus ardents de la guerre, il relève lous les courages, il rétablit l’ordre et la règle, et, triomphant à la fois de tous les fléaux, parmi les Miollis, les Reille, et Soult, et Masséna, que cette seule défense eût suffi pour rendre célèbres, il se fait distinguer dans une multitude de combats, comme l’un des plus intrépides et des plus fermes soutiens de la gloire des armées françaises.

Il suffira de dire que dans l’une de ces actions, où ce n’était qu’en attaquant que l’on songeait à se défendre, sur sept drapeaux arrachés à l’ennemi, son régiment seul en rapporta six ! Dans la dernière, un bras et le corps percés d’une balle, et laissé pour mort sur le champ de bataille, l’amour et le dévouement des siens nous le conservèrent.

En 1805, sa renommée, toujours croissante en paix comme en guerre, l’éleva au rang de général et d’aide-de-camp de l’Empereur. Et, ce qui est remarquable, c’est que dans cette cour guerrière il apporta et conserva constamment l’austère et simple franchise de ses mœurs jusque-là républicaines ; car jamais il ne flatta, quel que fût le souverain, empereur ou peuple ; jamais sa mâle et quelquefois rude véracité ne se démentit ; je n’en citerai que deux exemples :

A Austerlitz, au milieu des acclamations enivrantes de cent mille soldats, quand celui qu’elles transportaient s’écria : « Qu’avec de tels hommes on ferait le tour du monde ; » et que Dotre jeune ardeur s’enflammait à ces paroles, on l’entendit répondre : « Oui, sans doute, « mais ne vous y méprenez pas ; la « France est trop belle pour qu’on aime « à s’en éloigner autant, et à rester si « longtemps séparé d’elle. Dans cette joie « de la bataille de demain, il y a l’espoir « d’en finir. »

A notre entrée victorieuse dans Smolensk, au milieu de l’ivresse de cet autre triomphe, une voix s’élevant tenta d’en arrêter l’entraînement ; c’était la sienne ! Il se retourna vers l’Empereur qu’il précédait, et s’arrêtant : a Voilà une belle tête dé cantonnement ! » s’écria-t-il. IJ déplut, mais il fut écouté ; et sans le glorieux, mais trop sanglant combat du surlendemain, peut-être eussions-nous dû à sa ferme franchise d’autres destinées plus heureuses.

A la fin de 1807, sur cet amas de lauriers d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna, de Pultusk, d’Eylau et de Friedland, que son sang vient de teindre encore, son habile valeur, dont l’Empereur lui-même venait d’être témoin dans quatre campagnes, dans une fouie de combats et dans six grandes batailles, fat récompensée par le grade de général de division et le rang d’inspecteur général.