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et d’énergie ; son teint basané montre qu’il a gagné des grades, non pas sous les lustres des Tuileries et de la Chambre des Députés, mais sous le soleil d’Afrique. C’est, en effet, une des fortunes militaires les plus rapides, à la fois, et les mieux méritées de notre époque.

Simple officier en 1830, M. de Lamoricière, que les opinions légitimistes de sa famille poussaient alors à ne rechercher du service que loin des influences de la dynastie d’Orléans, demanda et obtint d’aller combattre en Algérie. Il fut nommé capitaine des Zouaves en 4830. Là, sa valeur, son intelligence, sa bravoure brillèrent d’un si vif éclat, que les nombreux degrés de l’échelle hiérarchique furent rapidement franchis par lui. 11 a longtemps* commandé les Zouaves, et l’on sait les merveilles que ce corps a accomplies sous ses ordres. Il a pris part à toutes les grandes expéditions qui ont fait la gloire de nos armes en Afrique, et son histoire militaire se confond avec celle de notre conquête algérienne. Nommé colonel des Zouaves en 1837, le fait suivant le donna à connaître aux ennemis qu’il avait à combattre.

Souvent, un seul trait révèle le caractère d’un homme et toute la situation d’un peuple vis-à-vis d’un autre. Nous vivions depuis la conquête dans des relations assez équivoques avec une tribu puissante, elle compte plus de 600 cavaliers. Deux de ses Scheicks avaient été mandés à Alger par le duc de Ro-vigo, qui les fit juger, et exécuter à mort. Que la punition fût méritée, c’est ce que nous ne voulons pas mettre en doute par respect pour la justice ; mais les Arabes prétendaient que leurs Scheicks étaient venus à couvert sous des sauf-conduits, et regardèrent le jugement comme une violation de la foi jurée. De là un ressentiment immense. Les Arabes respectent d’autant plus la parole donnée qu’ils ne respectent point d’autres engagements ; le serment est la loi des peuples qui n’ont pas de gouvernement régulier. Il importait cependant de rétablir des communications avec cette tribu et de renouer avec elle une espèce d’alliance. M. de Lamoricière s’en chargea, au péril de sa vie. L’emploi de la force matérielle eût été difficile, presque impossible : il n’eut recours qu’à la force morale. Une entrevue fut demandée aux chefs de la tribu par un Arabe dévoué" ; ils l’accordèrent, à la condition que M. de Larooricière y viendrait seul, à cinq lieues d’Alger. Le brave jeune homme accepte et part au jour indiqué, au milieu des frémissements de ses amis, avec son courage, son éloquence, son sang-froid pour protection et pour escorte. Les chefs de la tribu n’étaient point au rendez-vous fixé ; M. de Lamoricière marche toujours en avant, et ce n’est qu’après avoir fait trois lieues encore qu’il rencontra ceux qu’il venait chercher. Dès qu’ils l’aperçurent, les Arabes s’élancèrent au galop sur lui en jetant leur cri de guerre ; le Français, sans s’étonner, poussa son cheval’à toute bride au-devant de cette troupe menaçante, qui forma bientôt autour de lui un cercle de fer. Lamoricière,d’un front calme, d’une voix grave et ferme commença la conférence comme si la manœuvre qui avait pour but de lui fermer toute issue eût été une marque d’honneur accordée à sa qualité d’envoyé du gouverneur général de l’Algérie. H fallut discuter plus d’une heure. C’était bien de la diplomatie à cheval comme celle que faisaient les Sultans aux jours glorieux de l’islamisme, quand ils dataient leurs actes de VÉtrier Impérial. La défiance des Arabes se ramollit enfin, et un vieux Scheick à barbe blanche dit à Lamoricière : a Nous allons nous quitter satisfaits, toi de nous, nous de toi, tu