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du peuple, j’aurais accepté, ou le ministère, ou la légation, ou le grade ; mais j’ai toujours pensé, et mes collègues peuvent en rendre témoignage, j’ai toujours pensé qu’un citoyen doit rester là où le peuple l’a placé ; j’ai cru que je serais plus utile à mon pays au milieu de vous que dans tout autre poste ; j’ai jugé qu’un militaire ne peut, pendant qu’il siège dans les conseils, cheminer vers les grades supérieurs qu’à son tour d’ancienneté. Voilà mes motifs, ils peuvent n’être pas bons, mais ils n’annoncent pas un intrigant.

a Si par le mot intrigant, M. Mallet a voulu désigner un homme qui se mêle des affaires politiques pour en entraver quelques-unes et pour en faciliter quelques autres, qui travaille sourdement à changer les formes du gouvernement, ou les hommes qui en tiennent les rênes, ce n’est pas encore moi qu’il’a peint.

« Des hommes et des femmes célèbres en ce genre ont voulu m’initier dans leurs secrets, m’associer à leurs travaux ; mais un refus constant a été ma réponse. J’ai tenté, je l’avoue avec plaisir, j’ai tenté, avant le 18 fructidor, de prévenir les maux que je craignais ; mais sept à huit membres du conseil des Anciens, tous irréprochables sous tous les rapports, ont constamment été mes coopérateurs : qu’ils- disent si je me suis montré à eux comme un intrigant ou comme un citoyen dévoré de l’amour de mon pays et de celui de la liberté républicaine.

« Depuis le commencement de la session, chacun des partis qui nous divisent m’a signalé comme tenant à la fraction opposée. Aux yeux de ceux-ci, j’étais royaliste, et aux yeux de ceux-là, terroriste ; et cependant, je ne tiens ni aux ■ uns ni aux autres. Non, et je m’en fais gloire, je ne tiens et ne tiendrai jamais qu’à Ja République et à la Constitution de mon pays : j’en ai fait le serment,

je le répète aujourd’hui et je le tiendrai : on peut m’en croire, je n’ai jamais manqué à mes promesses ; mes amis et mes ennemis le savent.

« Je n’ai jamais siégé au côté droit de l’Assemblée législative, et je n’ai voté avec lui que lorsqu’il m’était bien démontré qu’il avait la justice pour lui. Si le côté gauche m’eût cru le partisan, le défenseur, l’ami de la cour, et de la royauté, m’eût-il confié, le 10 août, la direction de la guerre et des armées ; si j’eusse été royaliste, les rois coalisés eussent-ils été forcés de fuir avec autant de honte ? En cherchant à me déshonorer aux yeux de mes collègues et de mes concitoyens, on me force à dire, pour la première fois, que j’ai eu, par mon activité, quelque part aux premiers succès des armées françaises, que je n’ai pas été inutile à la création des armées des Pyrénées, qui ont vaincu l’Espagne, l’Italie et pacifié la Vendée ; et que peut-être, j’ai par là, et par mes travaux au Comité de salut public, contribué eh quelque sorte aux victoires qui ont valu à la République la gloire qui l’environne. Dans tout cela, je n’ai fait que mon devoir, je le sais ; mais ce devoir, l’aurais-je fait si j’eusse été royaliste ? Qui a créé, dans le département de Lot-et-Garonne, les sociétés populaires ? Qui les a suivies avec le plus d’empressement dès qu’elles sont devenues un foyer de réaction ? Demandez-le aux patriotes, et ils me nommeront. Demandez-leur aussi si quelqu’un a plus contribué que moi à allumer l’esprit public dans ce département, à l’exciter, à l’entretenir ; si quelqu’un a donné un plus vif élan aux ventes des biens nationaux, à la rentrée des contributions ; si quelqu’un a plus fait pour faire aimer et respecter les lois, et on vous dira que non… »

Lacuée sortit du conseil des Anciens en 1798. Ses concitoyens lui donnèrent


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