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KANARIS (CONSTANTIN)

Le Thémistocle de l’insurrection grecque, né à Psara, âgé de 30 à 32 ans, d’une petite taille, l’œil vif et perçant, l’air mélancolique : tel est le portrait qu’en fait le capitaine Clotz. Il brûla trois fois la flotte ottomane.

Les Hydriotes relâchés à Psara décident unanimement la destruction de la flotte ottomane, qui était à Ténédos. L’entreprise était difficile ; les Turcs étaient sur leurs gardes ; mais Kanaris s’est offert, on se décide à hasarder. Le 9 novembre, à sept heures du soir, deux brûlots, dont l’un monté par l’intrépide Kanaris, prennent la mer, par un temps orageux, accompagnés de deux bricks de guerre.

Les gardes-côtes de Ténédos les virent sans défiance doubler un des caps de l’île sous pavillon turc ; lorsque deux frégates turques en vedette les signalèrent, et le vaisseau amiral qu’ils cherchaient et qu’ils n’auraient pu distinguer le soir, au milieu d’une forêt de mâts, répondit au signal par trois coups de canon. « Il est à nous, s’écrie Kanaris à son équipage ! » et, manœuvrant vers le point d’où le canon s’était fait entendre, il aborde l’énorme citadelle flottante en enfonçant son mât de beaupré dans un de ses sabords, et le vaisseau s’embrase avec une telle rapidité que, de plus de deux mille individus qui le montaient, le capitan-pacha et une trentaine des siens parviennent seuls à se dérober à la mort. Au même instant, un second vaisseau est mis en feu par le second brûlot, et la rade n’offre plus qu’une scène de carnage, de désordre et de confusion. Les canons qui s’échauffent tirent successivement ou par bordées, et quelques-uns chargés de boulets incendiaires propagent le feu, tandis que la forteresse de Ténédos, croyant les Grecs entrés au port, canonne ses propres vaisseaux. Ceux-ci coupent leurs câbles, se pressent, se heurtent, se démâtent, arrachent mutuellement leurs bordages, ou s’échouent, et la majeure partie ayant réussi à s’éloigner est à peine portée au large qu’elle est assaillie par une de ces tempêtes qui rendent cette mer étroite, aussi terrible que dangereuse. Les vaisseaux voguent à l’aventure, s’abordent dans l’obscurité et s’endommagent ; plusieurs périssent corps et biens. Douze bricks font côte sur les plages de la Troade ; deux frégates et une corvette abandonnées de leurs équipages, sont emportées par les courants jusqu’aux attérages de Paras.

Pendant que les Turcs se débattaient au milieu des flammes ou en luttant contre les flots, les équipages des brûlots, formant un total de 17 hommes, assistaient tranquillement à la destruction de la flotte du sultan. Ils virent sauter le vaisseau amiral, et cette altesse tremblante se sauver à terre dans un canot. Le second vaisseau s’abîma ensuite avec 1 600 hommes, sans qu’il s’en sauvât que deux individus à demi brûlés, qui s’accrochèrent à des débris que la vague emportait vers la plage, sur laquelle gisaient deux superbes frégates.

Le 12 novembre, Kanaris reparut au port de Psara. Les Éphores, suivis d’une foule nombreuse de peuple, de soldats, de matelots s’étaient portés à sa rencontre. Kanaris reçoit une couronne de lauriers.

Un capitaine anglais qui se trouvait à Psara voulait savoir de lui comment les Grecs préparaient leurs brûlots pour en obtenir de pareils résultats. « Comme vous le faites, commandant ; mais nous