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devenir commandant ; je n’en demanderais pas davantage.

En 1791, le lieutenant d’artillerie, se trouvant dans l’église de Saint-Jean de Valence, fut accosté par une pauvre femme, qui lui demanda l’aumône ; il lui donna un écu de trois livres : « Merci, mon officier, je vous souhaite une couronne. — C’est possible, repartit Napoléon. »

En octobre 1791, il obtint un congé de trois mois et il partit pour la Corse. En janvier 1792, il fut nommé adjudant-major du 2e bataillon de volontaires nationaux qui s’était formé dans cette île, à Ajaccio. Le 27 février de la même année, ses compatriotes lui donnèrent le grade de lieutenant-colonel. Au mois de mai suivant, il se rendit à Paris pour s’y justifier d’une accusation portée contre lui par Mario-Paraldi, membre de l’Assemblée nationale législative. On l’accusait d’avoir, dans une émeute, donné l’ordre de faire feu sur ses concitoyens.

Le 20 juin 1792 il vit, de la terrasse du bord de l’eau (Tuileries), l’infortuné Louis XVI à une fenêtre du palais, que la populace des faubourgs avait contraint de se coiffer du bonnet rouge. À cet aspect, son indignation ne put se contenir, et il s’écria d’un ton assez haut : Comment a-t-on pu laisser entrer cette canaille ? Il fallait en balayer quatre ou cinq cents avec du canon, et le reste courrait encore. Puis il blâma la pusillanimité des conseillers et des défenseurs du monarque.

Le 11 août 1792, Napoléon écrit à son oncle Paravicini ; après lui avoir dépeint les scènes affreuses de la veille, il ajoute : « Ne soyez pas inquiet de vos neveux, ils sauront se faire place. » C’était déjà prédire sa haute destinée et la chute du trône.

S’étant facilement justifié des imputations dont il était l’objet, il reçut l’ordre d’aller reprendre son commandement en Corse. Il partit vers le milieu de septembre (même année), emmenant avec lui sa sœur Marie-Anne (Élisa).

À son retour dans sa patrie, il fut profondément affecté de découvrir dans Paoli, nommé lieutenant-général en Corse, au service de France, l’intention de rendre à cette île toute son indépendance. Paoli avait été l’ami, le compagnon d’armes de son père, et il le considérait comme son protecteur. Dès lors le jeune admirateur des exploits de Paoli ne vit plus en lui qu’un traître dont il devait se méfier. Néanmoins il continua de servir sous ses ordres, mais avec la réserve que lui commandaient les circonstances.

Une escadre, sous les ordres du vice-amiral Truguet, chargée d’une expédition contre la Sardaigne, arrive dans le port d’Ajaccio en janvier 1793. Paoli, lieutenant-général, commandant de la 23e division militaire, soit 2.000 hommes de troupes de ligne sous les ordres du vice-amiral qui alla jeter l’ancre dans la rade de Cagliari : 4 à 500 Marseillais indisciplinés faisaient partie de l’expédition. Truguet échoua dans son entreprise sur Cagliari, et retourna avec son escadre à Toulon.

À cette époque, une autre expédition, sous les ordres de Colonna Césari, commandant en second des gardes nationales de Corse, se préparait dans cette île contre les îles de la Madeleine : elle se composait de quatre détachements de 200 hommes chacun. Bonaparte commandait l’artillerie, et le capitaine Mogdié le génie.

L’indiscipline que l’on reprochait avec raison à la phalange marseillaise s’était propagée dans l’armée navale. À Bonifacio, sur la place Doria, des matelots français, prenant Bonaparte pour un aristocrate, voulurent le pendre à la lanterne ; il eût infailliblement péri sans le sergent Brignoli de Bastilica, dit Marinano, qui lui fit un rempart de son corps et tua d’un coup de poignard un des brigands qui se montraient le plus acharnés.