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et y déploya un grand courage. Le jeune Abd-el-Kader s’y distingua particulièrement ; il semblait être à l’abri des balles et des boulets ; il eut deux chevaux tués sous lui. Le burnous blanc qu’il y portait, et qui y fut rougi du sang des siens, a été conservé comme une relique.

Depuis la prise d’Alger, le parti arabe semblait avoir recouvré sa liberté, mais il était pour ainsi dire sans chef : Mahi-el-Din, tout influent qu’il était, n’était pas souverain. Quelques tribus ne lui obéissaient pas. D’un autre côté les Arabes voyaient avec inquiétude la conquête française s’étendre. La soumission d’Ibrahim, bey de Mostaganem, acheva de les décourager ; il y eut une assemblée générale des chefs de tribus pour procéder à l’élection du sultan des Arabes. Le rendez-vous eut lieu dans la plaine d’E-ghris, dans un lieu nommé Ersebia. Il fut question de nommer Mahi-el-Din ; mais celui-ci leur dit que le marabout Sidi-el-Arrach était plus digne que lui d’un si grand honneur. Le conseil se retira pour se réunir le lendemain. Ce jour-là, on vit arriver Sidi- el-Arrach : Frères, dit-il, en élevant les mains vers le Ciel, cette nuit, le célèbre marabout Mahi Abd-el-Kader m’est apparu au milieu de sa gloire, et m’a dit : « Sidi-el-Arrach, retiens bien ces paroles d’où dépend le salut de notre race. Je ne connais qu’un seul homme qui, par ses vertus, son courage et son intelligence-, soit digne de commander aux Arabes : c’est Abd-el-Kader, troisième fils de Mahi-el-Din. Je t’ordonne donc de répéter demain au conseil ce que tu viens d’entendre. Allah et son prophète s’intéressent à la cause de ses enfants et veulent qu’elle triomphe. »

Mahi-el-Din intervint alors et ajouta : « J’ai entendu les mêmes paroles que Sidi-el-Arrach, et j’ai reçu les mêmes ordres, mais je mourrai dans l’année qui suivra l’avènement de mon fils. Telle est la prophétie de mon aïeul. »

Le titre de sultan fut alors accordé à Abd-el-Kader, les chefs s’inclinèrent et lui présentèrent le burnous violet. Ceci se passait en l’an de l’hégire 1248, de l’ère vulgaire 1832, 28 septembre. Le nouveau sultan se mit à prêcher la guerre sainte, et il réunit autour de lui une foule d’hommes braves et dévoués. Après que l’affaire de la Macta eut consolidé sa puissance, il songea à se créer une force militaire permanente, déploya une grande habileté, et fit preuve d’une rare observation. Voyant notre armée composée en grande partie d’infanterie, il se forma un corps de cavalerie qui pût attaquer, poursuivre ou éviter un combat inégal. Ce premier corps ne montait d’abord qu’à 400 hommes qui rendirent de grands services au sultan. Pour entretenir des bataillons réguliers, il mit des taxes sur les marchandises, il leva des impôts ; puis fit bâtir des magasins de vivres, d’armes et de munitions.

Lorsqu’il commença à nous faire la guerre dans l’ouest de l’Algérie, le général Desmichels était gouverneur de la province d’Oran ; comme son prédécesseur, il était indépendant du général en chef. Il crut pouvoir traiter les Arabes comme un peuple intelligent, et devant se laisser influencer par notre supériorité. Il se trompait ; au mois de mai 1833 il battit plusieurs fois Abd-el-Kader, et s’empara de Mostaganem. L’émir, indigné de voir les Musulmans venir approvisionner nos marchés, fit enlever le chef d’Arzew qui venait de se soumettre, et le conduisit à Mascara où il fut étranglé. Au mois d’octobre de la même année ses troupes attaquèrent l’escorte de la commission d’Afrique, forte de 1.800 hommes, mais il fut battu près de Aïn-el-Bidha.