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plus grand nombre de prisonniers qu’il n’avait de soldats sous les drapeaux. Quand Napoléon le revit, il le tint longtemps pressé sur son cœur, puis le présentant aux maréchaux et à : son état-major, il s’écria : « Ce n’est pas seulement le courage qui aurait amené ici Eugène ; il n’y a que le cœur qui puisse opérer de pareils prodiges ! »

Ce fut à l’occasion de cette marche d’Eugène, si remarquable sous le rap port stratégique, que l’Empereur adressa aux soldats du vice-roi ces paroles célè bres : « Soldats de l’armée d’Italie, vous avez glorieusement atteint le but que je vous avais marqué Soyez les bien venus ! Je suis content de vous. »

A l’époque de la répudiation de Joséphine, il vint à Paris, mandé par l’Empereur, et pria| Napoléon de lui accorder une explication en présence de l’Impératrice* Dans cette circonstance, oïi Napoléon ne pouvait motiver sa résolution qu’en faisant valoir l’intérêt de la France, Joséphine sut se taire et se résigner ; mais,’tremblant de voir l’avenir de son fils compromis, et portant ses yeux remplis de larmes sur Eugène, elle dit à l’Empereur : « Une fois séparés’, mes enfants ne seront plus rien pour vous. Faites Eugène roi d’Italie, et votre politique, j’ose le croire, sera approuvée par toutes les puissances de l’Europe. » — Le prince dit alors vivement : « Ma bonne mère, qu’il ne soit nullement question de moi dans cette triste occurrence. Votre fils ne voudrait pas d’une couronne qui semblerait être le prix de votre séparation. »

Napoléon, que la noblesse de ce discours émut profondément, tendit la main au vice-roi, la serra avec force et répondit avec gravité : « Je reconnais Eugène dans ces paroles ; il a raison de s’en rapporter à ma tendresse. » Après le divorce de sa mère, qui le navra, il voulut renoncer aux affaires, mais vaincu par les instances de Joséphine et de Napoléon lui-même, il sacrifia ses ressentiments personnels, mais dès lors refusa toute faveur nouvelle qui n’aurait été pour lui que le prix du divorce de sa mère.

On sait la part brillante qu’il prit à> la campagne- et surtout à la retraite de Russie. Il commandait le 4e corps, qui fut entièrement détruit. A la tête de 12,000 hommes dénués de tout, attaqué tous les jours par les armées russes et prussiennes, tous les jours risquant d’être débordé, le prince arriva à Leipzig le 9 mars, et son armée, grossie pendant la marche, comptait alors 50,000 hommes, avec lesquels il put tenir la ligne de l’Elbe, menacée par 150,000 alliés. Cette campagne de 50 jours, depuis Posnau jusqu’à Leipzig, est peut-être l’épisode le plus étonnant de l’expédition de Russie, et tous les militaires s’accordent à le regarder comme un chef-d’œuvre de stratégie qui, seul, place le prince Eugène au rang des plus grands capitaines. « Nous avons tous commis des fautes, dit Napoléon, Eugène est le seul qui n’en ait pas fait. J>

En 1813, le vice-roi dut retourner en Italie pour la défendre de l’invasion de 65,000 Autrichiens et de l’armée napolitaine commandée par Murat. Il paralysa leurs efforts pendant cette campagne, l’une des plus remarquables de l’histoire des guerres modernes.

Mais la gloire^ militaire d’Eugène le recommande moins que son héroïque dévouement à Napoléon. Les alliés lui offrirent la couronne d’Italie, il refusa et se retira en Bavière, auprès du roi son beau-père,’ qui le nomma prince d’Eichstadt, duc de Leuchtemberg et premier pair du royaume. — Au retour de Napoléon, en 1815, il se trouvait à Vienne et ne prit aucune part à la guerre. Il avait été obligé, pour ne pas être arrêté,