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DUR


Reichembach ; le grand maréchal y avait fait marquer les logements. Mais l’Empereur apprenant que l’ennemi tient encore du côté de Markersdorf, rejoint de nouveau l’avant-garde. On se dirigea sur le Landserone, dont le pic domine toute la contrée, et l’on trouve l’ennemi en position derrière le ravin de Markersdorf.

« L’Empereur ordonne au prince de la Moskowa d’attaquer ; il veut pousser jusqu’à Gorlitz ; mais le mouvement éprouva des délais. Les troupes saxonnes qui devaient y prendre part n’arrivant pas, Napoléon envoie aide-de-càmp sur aide-de-camp pour qu’on se presse ; il aperçoit, à gauche, une hauteur d’où il pourra voir ce qui se passe, et il descend rapidement par le chemin creux du village pour gagner la route qui conduit sur cette éminence. On le suivait en trottant, au milieu d’un nuage épais de poussière, serrés quatre par quatre, et chacun distinguait à peine son voisin. Sur la première file se trouvaient le duc de Vi-cence, le duc de Trévise, le maréchal Duroc et le général de génie Kirgener. Dans ce moment les troupes du maréchal Ney débouchent du village. L’ennemi tire trois coups de canon, et l’un des boulets vient frapper un arbre auprès de l’Empereur. Parvenu sur le plateau qui domine le ravin, Napoléon se retourne pour demander sa lunette, et ne voit plus que le duc de Vicence qui l’ait suivi. Le duc Charles de Plaisance accourt bientôt après ; il est pâle et dit un mot à l’oreille du grand écuyer. L’Empereur demande ce que c’est. Le duc de Plaisance a peine à parler ; il finit par dire que le grand maréchal vient d’être tué. « Duroc ! s’écrie l’Empereur ; cela n’est pas possible, il était tout à l’heure auprès de moi. »

« Cependant le page arrive -ivec la lunette ; des aides-de-camp surviennent et la nouvelle est confirmée.

« Le boulet qui a frappé l’arbre a ricoché d’abord sur le général Kirgener, et ensuite sur le duc de Frioul. Kirgener a été tué raide ; Duroc n’est pas encore mort. Les docteurs Larrey et Yvan et tout ce qui se trouve là d’officiers de santé sont accourus ; mais les efforts de l’art seront impuissants. Le boulet a déchiré les entrailles : on vient de transporter le mourant dans une des premières maisons de Markersdorf. »

« Sur ces entrefaites, le colonel Gour-gaud était venu annoncer, de la part du maréchal Ney,’que l’ennemi ne présentait plus qu’une faible arrière-garde ; l’Empereur se porte machinalement à la suite de ses troupes, et reste encore près d’une demi-heure à observer le mouvement qui s’opère au delà du village.

« Cependant il a ordonné que la garde s’arrêtât : on a fait dresser la tente du quartier impérial dans »un champ, sur la droite de la route, avant de descendre à Markersdorf. Enfin, l’Empereur revient de ce côté. Il rentre dans le carré de sa garde et passe le reste de la soirée, assis sur un tabouret devant sa tente, les mains jointes et la tête baissée, gardant le plus morne silence. Le général Drouot fait demander des ordres pour l’artillerie. « A demain tout ! » est la seule réponse qui s’échappe de ce cœur oppressé.

« Les maréchaux et les principaux officiers de l’armée et de la maison impériale se tenaient à quelque distance dans l’attitude de la douleur.

« Toute l’armée prend la part la plus vive aux peines qui absorbent en ce moment les pensées de l’Empereur. La garde a les yeux tristement fixés sur lui : « Pauvre homme, disent les vieux grenadiers, il a perdu un de ses enfants ! »

« A la nuit close, quand toute l’armée a pris position, l’Empereursort du camp, accompagné seulement du prince de