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à Toulon pour y remplir, dans l’armée du général Bonaparte, les fonctions de médecin en chef. A peine arrivé en Égypte, Desgenetles eut à lutter avec les maladies nombreuses que faisaient naître dans l’armée un climat brûlant, des bivouacs continuels et le manque d’eau potable.

L’expédition de Syrie fut résolue. Le monde en connaît les particularités et les résultats. Malgré tant de glorieux faits d’armes, malgré ces prodiges de bravoure dont les souvenirs brillent encore aujourd’hui dans ces contrées comme autant de météores, ce résultat fut malheureux. Alors on vit apparaître dans les rangs de l’armée française la peste, ce fléau aussi funeste aux masses d’hommes par l’effroi qu’il inspire, que par son souffle empoisonné.

Bientôt tout fut perdu, hors l’honneur. L’honneur de la médecine en reçut toutefois un éclat immortel ; l’héroïsme de la médecine balança l’héroïsme militaire : c’est que le courage enfante le courage ; et tandis que Larrey court, avec les siens, se précipiter jusqu’au pied de la brèche, sous le feu de l’ennemi, pour secourir les malheureux blessés, Desgenettes, mû par ce froid courage que donne le sentiment du devoir ; Desgenettes parcourt avec calme des quartiers et deshôpitaux qu’a peuplés lapeste ; il connaît tout le danger, il le brave, il le déguise ; il donne le change aux esprits par de faux noms ; la sérénité de ses traits et de ses paroles passe dans le cœur des malades, et, pour achever de raffermir les imaginations ébranlées, il prend une lancette, la trempe dans le pus d’un bubon,ets’en faitune double piqûre dans l’aine et au voisinage de l’aisselle : deux légères inflammations se succèdent. Celait est consigné par Desgenettes lui-même dans son Histoire médicale de F armée d’Orient. On le retrouve en termes ex-

plicites dans la relation publiée par Ber-thier : quoi de plus authentique ; et cependant, quoi de plus équivoque ? Dans des conversations particulières, dans des solennités publiques, Desgenettes> dit-on, l’a hautement désavoué.

N’en croyons point un homme qui fait de sa propre gloire une abjuration si gratuite ; peut-être a-t-il craint d’avoir des imitateurs, et de compromettre des existences par une épreuvequi avaitépar-gné la sienne, et n’était, du reste, à ses yeux d’aucune portée scientifique. Quoi qu’il en soit, faute ou réalité, l’effet qu’il cherchait fut produit ; la tranquillité qui revint dans les esprits, rendit la maladie plus légère, et multiplia les guérisons.

Un des premiers soins de Bonaparte en Égypte est de créer des lazarets et d’imposer des quarantaines ; on en vint jusqu’à détruire, par le feu, et les effets des pestiférés et même les barraques qu’avaient habitées un moment des corps d’armée, où quelque ombre de peste avait paru. Était-ce raison, était-ce préjugé ? Préjugé, qui l’oserait dire de Napoléon ; qui l’oserait dire de Desgenettes ? Et dans tous les cas, n’est-ce pas pour nous une raison nouvelle d’admirer la mâle résolution qui les porta l’un et l’autre, Napoléon à visiter l’hôpital de Jaffa, à s’y mêler avec les infirmiers, à se faire infirmier lui-même pour soutenir, pour relever comme il convenait dans leur lit des pestiférés moribonds ; Desgenettes, à descendre faute d’auxiliaires, ou plutôt à s’élever jusqu’à leurs fonctions les plus humbles, jusqu’à fouiller dans un souterrain fangeux, jusqu’à remuer et déplacer des amas d’immondices, de haillons, de lambeaux en pourriture, dont il importait que le voisinage du camp fût délivré : travail-fatigant qu’il fallait faire à genoux, et si infect que Desgenettes était contraint de l’interrompre à chaque instant pour s’aller mettre à quelques

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