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haut, toute libéralité leur paraît suspecte. Ils ne donnent pas, disent-ils de nous, ils demandent.

Défiant comme tous les philosophes de cette école, Courier prétendait que ceux qui voulaient des terres et des châteaux pour un enfant, songeaient moins à lui qu’à eux-mêmes. On disait bien : C’est pour fêter une royale naissance ; mais il demandait à la fêter gratis. « Nous gêner, disait-il au conseil de sa commune, et augmenter nos dettes pour donner au jeune prince une chose dont il n’a pas besoin ! N’avons-nous pas nos chemins, nos pauvres, notre église, et, s’il nous reste quelque chose, le pont de Saint-Avertin ?… Douze mille arpents de terre en clos que contient le parc de Cham-bord, c’est un joli cadeau à faire à qui les saurait labourer. »

Ainsi disait-il, sage s’il n’eût dit autre chose. Mais il était causeur. Qui dit le prince, songe à la cour. Courier voulait en donner, en passant, sa définition après La Fontaine. Puis on est si injuste envers messieurs les courtisans ! Nul n’en dit le bien qu’il en pense. Courier surtout ne les aimait pas ; aussi les attaquait-il jusque dans leurs ancêtres. Il prétendait avoir trouvé l’origine de toutes les grandes fortunes de cour, et c’était

ce n’était pas la pureté des mœurs. Cela venait à l’occasion de Chambord, qu’il trouvait mal choisi pour y préparer un enfant au trône et aux bonnes mœurs. Il soutenait en grondant que l’air ne savait pas y être pur, et, pour former l’esprit et le cœur du roi au maillot, tout autre lieu lui paraissait préférable à celui où il fallait vivre au milieu des souvenirs de Henri III et de François I", des chiffres d’une Diane, d’un Chateaubriand, de mademoiselle de la Vallière, à qui il eût pu pardonner.

Pendant qu’il prêchait ainsi de son mieux en faveur de la morale, le sermon

4 ) ■ COU lui-même fut accusé d’immoralité. 11 eut beau dire que lorsque le sens du discours ne pèche point, on ne peut pécher par les paroles. Le jeune homme bien-disant (M. Berville, son avocat) que Courier appelait toujours quand il lui fallait improviser, eut beau citer Nicole et Massillon, on lui prouva par la prison, qu’aujourd’hui comme du temps de Boileau, nommer la luxure est une impureté. La prison convertit rarement. Ce fut à l’impression que cette condamnation lui laissa, qu’il dut plus tard le Pamphlet des pamphlets, le meilleur mais non pas le moins malin de ses écrits., On a souvent comparé le style de Courier à celui des petites lettres de Pascal. Courier lui-même se faisait cet honneur sans trop de façon. Mais ce style parfait, s’il est ailleurs que dans les Provinciales, ce n’est point, quoi qu’en disent les faiseurs de notices, dans la lettre à M. Re-nouard qu’il faut le chercher. Ce n’est point non plus, malgré la prédilection de l’auteur, dans la lettre à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, boutade d’amour-propre blessé, satire pleine de verve, mais de fiel, où le candidat refusé triomphe en déversant le mépris sur une compagnie à laquelle il trouvait honorable d’appartenir, puisqu’il avait sollicité ses suffrages. Cette colère qui dissimule mal, cette amère ironie qui se donne pour de la gaîté, mais qui trahit la haine, ce style rancuneux, ces outrageantes personnalités, tout ce qui, dans cette lettre, avait tant affligé les amis de Courier, ne pouvait être du solitaire de Port-Royal.

S’il l’a eu ( et ne fût-ce qu’une seule fois, ce serait assez pour sa gloire d’écrivain), ce style jusqu’à lui réputé inimitable, c’est dans quelques pages du Pamphlet des pamphlets. L’art de se mettre en scène et de rendre ainsi la discussion dramatique, cette logique si vive et si pressante, toute en action, l’aisance du

cou

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