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lieutenant-général de ses armées, gouverneur général des provinces d’Aragon, de Valence et de Murcie.

Heureux dans presque toutes ses expéditions, Cabrera se vit enfin réduit à garder la défensive, après la trahison de Marolo. Quand l’impossibilité de soutenir plus longtemps la lutte força le prétendant à abandonner la partie et à se réfugier en France, Cabrera déclara fièrement qu’il continuerait la guerre pour son propre compte. Mais une grave maladie (1839) l’empêcha d’exécuter les vastes projets qu’il avait conçus, et le réduisit à rester inactif dans une forte position, au milieu des montagnes de la Catalogne et de l’Aragon, jusqu’au 6 juillet 1840, jour où Espartero le contraignit à se jeter avec les débris de sa troupe sur le territoire français.

Conduit d’abord au château de Ham, il fut rendu à la liberté quelques mois après, et alla, en 1841, rétablir sa santé aux îles d’Hyères.

Le général Cabrera quitta les îles d’Hyères pour l’Angleterre au mois de mai 1850. On apprit par le Morning-Post qu’il venait d’épouser, à Londres, miss Marianne-Catherine Richards, fille unique de feu Robert-Vanghan Richards. La cérémonie religieuse avait été célébrée à la chapelle catholique de Spanisch Place, Manchester-Square, puis à la chapelle protestante de Saint-Georges, Hanovre-Square. A la cérémonie catholique le général avait pour témoin S. A. R. l’infant don Juan d’Espagne, frère du comte de Montemolin, et à la cérémonie protestante, il avait auprès de lui lord John Manners.

Miss Richards a, dit-on, une fortune de 25,000 livres (625,000 francs) de rente.

L’étonnement a été grand en France quand on a vu Cabrera. Petit et maigre, avec une barbe très-peu fournie, il a l’air d’un jeune homme doux et faible. Ses cheveux sont noirs et son teint très-brun. Il regarde rarement en face son interlocuteur, et jette souvent les yeux autour de lui avec une sorte d’inquiétude.

Sa physionomie est intelligente sans être précisément remarquable.

Quand il sourit, son visage prend une expression de finesse naïve qui n’est pas sans grâce. Il est extrêmement simple dans ses manières, même un peu embarrassé. Il paraît souffrant, et n’a plus cette extrême mobilité qui le portait autrefois, dit-on, à changer sans cesse de place. Son attitude, légèrement courbée, semble indiquer que sa poitrine est attaquée.

Cabrera n’a jamais eu aucune opinion politique. Il a embrassé la cause de don Carlos parce que c’était celle qui pouvait le mener à la fortune ; il aurait suivi tout autre parti qui lui aurait donné plus de chances de succès ; il l’a bien prouvé en ne tenant aucun compte des ordres qu’il recevait du prétendant.

On dit qu’il lui est arrivé quelquefois d’écrire de sa main au bas d’un ordre qu’il recevait de don Carlos : Recibido pero non ejecutado todo por el servicio de Vuestra Majestad (reçu, mais non exécuté, le tout pour le service de Votre Majesté), et de le renvoyer ainsi à son auteur.

Il était généralement très-aimé des populations de ses domaines. Autant il était cruel et exacteur pour tout le pays qui ne reconnaissait pas son autorité, autant il était protecteur et bienveillant pour celui qui lui était soumis.

Souvent brusque et hautain avec ses officiers, il se montrait toujours affable, prévenant même envers les paysans.

Il laissait carte blanche à ses troupes pour piller à leur gré hors de ses frontières ; mais, dans le sein de son petit