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sa politique, un coup à cette nation dont la prospérité ne se relèvera jamais ; il apprit aux peuples du continent qu’ils pouvaient se passer d’elle.

Il est digne de remarque que les hommes extraordinaires, qui semblent nés exprès pour commander aux peuples, ont du goût pour tout ce que l’esprit humain est capable de produire d’utile, de grand et de beau : Alexandre bâtissait des villes, ne se lassait pas de relire Homère, comblait de biens Apelles, mettait des sommes énormes à la disposition de son précepteur Aristote et des autres savants de la Grèce pour fournir aux frais de leurs recherches et de leurs expériences. César voulait rebâtir Corinthe et Carthage, régulariser le cours du Tibre, dessécher les marais Pontins ; il construisait des amphithéâtres, provoquait la réforme du calendrier. Les institutions du demi-barbare Charlemagne ont obtenu le respect et l’admiration de la postérité. Que ne s’est-il pas fait de grand et de beau, en tout genre, pendant le long règne du grand roi Louis XIV ?

Il a suffi à Napoléon d’une douzaine d’années de toute-puissance, pour égaler sous ce rapport ses glorieux émules, ses prédécesseurs. Pendant cette courte période, on creusa des ports, des canaux ; le nombre des vaisseaux de haut bord fut doublé ; des routes magnifiques établirent, en serpentant sur les flancs des Alpes, des communications faciles entre la France et l’Italie, tous les palais des Rois de France furent restaurés et embellis ; on agrandit et l’on régularisa les jardins des Tuileries et du Luxembourg ; la place du Carrousel fut débarrassée des constructions qui la déparaient, et ornée d’une grille et d’un arc-de-triomphe. L’Empire vit jeter les fondations des palais de la Bourse, du quai d’Orsay, du temple de la Gloire devenu église de la Madeleine, de l’arc gigantesque de l’Étoile, dont la bâtisse dépassait en 1814 l’imposte de la grande arcade. La superbe colonne Vendôme est un monument de l’Empire. Sont aussi des constructions de l’Empire le beau pont d’Austerlitz, et surtout celui d’Iéna, le plus irréprochable de tous les ponts. Le palais du Louvre dont l’origine se perd dans l’obscur rite des siècles, que François 1er entreprit de bâtir sur un plan nouveau et régulier qui dut une grande partie de ses murs à Louis XIV, que les règnes suivants délaissèrent presque tout à fait, fut repris et terminé par les architectes de Napoléon. C’est aussi pendant la domination de ce prince que la superbe porte Saint-Denis fut restaurée et que l’inscription Ludovico magno (à Louis le Grand) fut rétablie.

L’Empereur eut la satisfaction de voir son règne illustré par des savants du premier ordre, qu’il récompensait et qu’il chérissait comme des amis : c’étaient Monge, Lagrange, Laplace, Berthollet, Fourcroy, Vauquelin, Volta, Cuvier, Delambre, Thénard, Poisson, etc. Les lettres, il faut en convenir, ne brillèrent pas à la même époque d’un aussi bel éclat, à beaucoup près, que pendant le XVIIe siècle ; mais assurément ce ne fut pas la faute de celui qui tenait alors les rênes de l’État. C’est le génie qui faillit aux écrivains et non les honneurs et les récompenses : Napoléon était, pour le moins, aussi généreux, aussi magnifique que le fils de Louis XIII.

Les artistes en peinture furent plus heureux. C’est sous l’Empire que l’École française crayonna ses chefs-d’œuvre et atteignit son apogée. On ne saurait trop louer la plupart des tableaux sortis des ateliers de David, Gros, Gérard, Girodet.

En général, les artistes en sculpture ont de tout temps été médiocres en France ; ils le furent sous l’Empire.

Tout bien considéré, Napoléon est le