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tribune, avait soumis à l’Assemblée les propositions suivantes :

« La Chambre des représentants déclare que l’indépendance de la nation est menacée.

« La Chambre se déclare en permanence. Toute tentative de la dissoudre est un crime de haute trahison. Quiconque se rendrait coupable de cette tentative sera déclaré traître à la patrie et sur-le-champ jugé comme tel.

« L’armée de ligne ei la garde nationale, qui ont combattu et combattent encore pour défendre la liberté, l’indépendance et le territoire français, ont bien mérité de la patrie.

« Les ministres de la guerre, des relations extérieures et de l’intérieur sont invités à se rendre sur-le-champ dans le sein de l’Assemblée. »

Ces propositions ne tendaient rien moins qu’à élever la Chambre au-dessus de tous les pouvoirs constitutionnels, qu’à isoler dans cette circonstance difficile la nation de l’Empereur, qu’à la livrer à l’anarchie ou aux mains avides de l’étranger, enfin à lui ravir tout espoir de salut. Elles n’en furent pas moins accueillies par de nombreux applaudissements et adoptées. On avait arrêté qu’elles seraient transmises à la Chambre des pairs et à l’Empereur ; et c’était le message dont la remise avait interrompu le conseil.

L’Empereur, après la lecture de cette déclaration, leva la séance : toutefois, il prescrivit en même temps à Regnauld de se rendre à la Chambre, de lui annoncer qu’il était de retour, qu’il venait de convoquer le conseil des ministres ; que l’armée, après une victoire signalée, avait livré une grande bataille, que tout allait bien, et que les Anglais étaient battus lorsque les malveillants avaient causé une terreur panique ; que l’armée se ralliait ; que lui était venu pour se concerter avec ses ministres et avec les chambres, et qu’il s’occupait en ce moment des mesures de salut public qu’exigeaient les circonstances.

Carnot, par ordre de l’Empereur, porta en même temps la même communication à la Chambre des pairs, et elle y fut reçue avec le calme et le respect convenables ; mais Regnauld, moins heureux, ne put modérer l’impatience des représentants qui, par un nouveau message, renouvelèrent impérieusement aux ministres l’invitation de se présenter à la barre.

Napoléon, choqué de voir que la Chambre s’arrogeât des droits qui ne lui appartenaient pas sur ses ministres, leur défendit de s’y rendre ; mais, fatigué d’entendre la relation qui était faite du bruit et du tumulte inconvenant qui s’en était suivi à l’Assemblée, il les autorisa à prévenir le président de leur prochaine arrivée ; néanmoins, ne voulant pas laisser croire qu’ils obéissaient aux injonctions de la Chambre, il les y députa comme chargés d’un message impérial, et les fit accompagner par Lucien, qui, après avoir déposé sur le bureau les pouvoirs et le message de l’Empereur, demanda un comité secret pour entendre les ministres. Les tribunes étant évacuées, on lut le message de Sa Majesté qui annonçait la perte de la bataille, et nommait Caulincourt, Fouché et Carnot, commissaires pour traiter de la paix avec les alliés.

Celte lecture ne fut point interrompue ; mais à peine fut-elle terminée, que, de toutes les parties de la salle, des interpellations aussi absurdes qu’insignifiantes furent adressées aux ministres, et portèrent en un instant la confusion dans les délibérations de l’Assemblée.

Le trouble étant un peu apaisé, Lacoste, l’un des plus emportés, parvint à se faire entendre, et, après s’être