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qu’il trouva dans une position désespérée.

Dès lors les Français eurent à combattre contre 150.000 hommes, étant un contre deux et demi ! Le soleil était couché, et néanmoins il fallait livrer une troisième bataille, après avoir combattu sans relâche pendant plus de sept heures consécutives. Blücher, avec quatre divisions, se porte sur le village de la Haye. La seule division française qui le défendait fut culbutée et mise en fuite. C’est, dit-on, à cette occasion, que fut entendu le cri désespérant de sauve qui peut. Dès ce moment, le champ de’bataille fut envahi par la cavalerie ennemie ; l’armée française, disloquée, opéra sa retraite dans le plus affreux désordre, et tout fut consommé.

Napoléon, au désespoir, manifeste hautement là résolution de ne pas survivre à la défaite de son armée ; il met l’épée à la main, et, se plaçant avec son état-major au milieu d’un des carrés de sa garde, il commande le feu. La mort ne veut pas de vous, lui disent les grenadiers qui le pressent de tous côtés, et en même temps ils l’arrachent de cette scène de carnage, et l’entraînent malgré lui hors du champ de bataille.

Les équipages de Napoléon restèrent au pouvoir de l’ennemi. Dans la suite, les Anglais faisaient voir, à Londres, sa voiture à prix d’argent. Dans la nuit du 18 au 19, une sorte de charrette le transporta à Philippeville. Là, il trouva une calèche dans laquelle il monta avec le général Bertrand.

Ainsi finit la journée de Waterloo, la seule grande bataille que les Français aient totalement perdue depuis Louis XIV : car nous fûmes vaincus en Russie par le froid, et non par les hommes, et les batailles de Leipzig permirent une retraite honorable et laissèrent des espérances ; après Waterloo, la puissance de Napoléon ne fut plus qu’une ombre.

« Dans ces combats et les précédents, les soldats français se battirent avec autant de bravoure et de confiance dans la victoire qu’ils en avaient montrées dans les plus belles journées ; mais plusieurs généraux, le maréchal Ney lui-même, n’étaient plus les mêmes hommes : ils n’avaient plus cette énergie ni cette brillante audace qu’ils avaient si souvent déployées autrefois. Ils étaient devenus craintifs et circonspects dans toutes leurs opérations ; leur bravoure personnelle seule leur était restée. Ainsi, le 15, le général Vandamme arriva à Charleroi quatre heures plus tard qu’il ne le devait ; ainsi il s’arrêta avec le maréchal Grouchy à Gilly, au lieu d’attaquer vivement et de se porter sur Fleurus…

« Personne ne peut douter qu’il n’y eût dans l’armée française quelques officiers et quelques hommes éparpillés dans divers régiments qui se plaisaient à exagérer les forces de l’ennemi, à publier à chaque instant qu’on était tourné. On a déjà vu que le 14, le général Bourmont, avec un colonel du génie, avaient passé à l’ennemi, et, pendant la bataille du 16, plusieurs officiers désertèrent. Dans le fort de l’action, Napoléon reçut cinq ou six rapports alarmants. L’un était celui d’un général qui annonçait que Vandamme, avec tout son état-major, était passé à l’ennemi ; un autre, qu’il fallait se méfier du maréchal Soult. Un maréchal-des-logis de dragons vint d’un air tout éperdu, demandant à grands cris à parler à l’Empereur, et lui dit : « Sire, je viens prévenir Votre Majesté que le général Hanain harangue en ce moment les officiers de sa division pour les faire passer à l’ennemi… » (C’était faux. Vandamme était loin d’avoir la pensée de trahir, et le général Hanain, au moment où il était ainsi accusé, avait la cuisse emportée par un boulet.)

«