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mais on ne veut pas nous humilier, mais nous renfermer dans nos limites, et réprimer l’élan d’une activité ambitieuse ; si fatale depuis vingt ans à tous les peuples de l’Europe. Ce n’est pas lui (l’étranger) qui assigne des bornes à notre puissance, c’est le monde effrayé qui invoque le droit commun des nations. Les Pyrénées, le Rhin, les Alpes renferment un vaste territoire, dont plusieurs provinces ne relevaient pas de l’empire des lys, et cependant la royale couronne de France était brillante de gloire et de majesté entre tous les diadèmes. » — « Orateur, » s’écrie le duc de Massa, « ce que vous dites est inconstitutionnel. — « Il n’y a d’inconstitutionnel ici que votre présence, » répliqua Renouard, et il continua ainsi : « Ne dissimulons rien, nos maux sont à leur comble ; il n’est point de Français qui n’ait dans sa famille une plaie à guérir. La conscription est devenue pour toute la France un odieux fléau ; depuis deux ans on moissonne trois fois l’année ; les larmes des mères et les sueurs du peuple sont-elles donc le patrimoine des rois ?… »

Par suite de ce rapport une adresse fut votée et l’impression ordonnée à la majorité de 223 voix contre 31. Le 30 décembre, l’impression est arrêtée, et les portes de la salle des séances sont fermées par ordre de l’autorité supérieure. L’Empereur témoigne à son conseil d’État la douloureuse impression qu’il a ressentie à la lecture du rapport de la commission du Corps législatif, qu’il regarde comme injurieuse à sa personne et attentatoire à son autorité ; il le signale comme une œuvre séditieuse, un brandon de discorde, une motion sortie du club des jacobins : « Voudrait-on rétablir la souveraineté du peuple ? Eh bien ! en ce cas, je me fais peuple, car je prétends être toujours là où se trouve sa souveraineté. » Et tout de suite il décrète l’ajournement du Corps législatif. Ce corps voulait, dans son adresse, que la guerre devînt nationale, et il demandait « des garanties politiques à Napoléon pour engager la nation. » Des garanties quand l’ennemi dépassait la frontière ! des garanties au moment d’une invasion étrangère et après dix ans du mutisme le plus incroyable ! Napoléon avait dit aux députés : « Il faut suivre l’exemple de l’Alsace, de la Franche-Comté, des Vosges, dont les habitants s’adressent à moi pour avoir des armes. Je vous ai rassemblés pour avoir des consolations : ce n’est pas que je manque de courage, mais j’espérais que le Corps législatif m’en donnerait. Au lieu de cela, il m’a trompé, au lieu du bien que j’attendais, il a fait du mal. Vous cherchez à séparer le souverain de la nation. »


Le 1er janvier 1814, les divers corps constitués se rendirent aux Tuileries pour offrir, suivant la coutume, leurs hommages de l’an au chef de l’État. Quand vient le tour du Corps législatif, l’Empereur, dont les traits sont altérés, le regard farouche, l’apostrophe en ces termes :

« Députés du corps législatif, vous n’êtes pas les représentants du peuple ; je le suis plus que vous. Quatre fois j’ai été appelé par l’armée, et quatre fois j’ai eu les votes de cinq millions de citoyens pour moi. J’ai supprimé l’impression de votre adresse : elle était incendiaire. Les onze-douzièmes du Corps législatif sont composés de bons citoyens : je les connais et j’aurai des égards pour eux ; mais un nommé Laîné est un méchant homme qui correspond avec le prince-régent d’Angleterre par l’intermédiaire de l’avocat Desèze : je le sais, j’en ai la preuve. Le rapport de votre commission m’a fait bien du mal. J’aimerais mieux avoir perdu deux batailles. À quoi tendait-il ? à augmenter les