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avance toujours. Le courage des soldats semble augmenter avec l’étendue des privations et des dangers. Kutusoff écrivait à Alexandre : « Les Français, loin de se laisser abattre par la cruelle extrémité où ils se voyaient réduits, n’en étaient que plus enragés à courir sur les pièces qui les écrasaient.

On dit encore vulgairement en Russie : « Ce n’est point le général Kutusoff qui a tué ou dispersé les Français, c’est le général Morosow (la gelée). »

Arrivé à Archa, Napoléon, sans prendre un moment de repos, s’occupa de rétablir l’ordre que les combats et l’intempérie de la saison avaient naturellement dérangé. Il fit faire des distributions de vivres, d’armes et de munitions, et lire, dans les corps d’armée, un ordre du jour qui les rappelait à leurs devoirs, engageant les soldats à marcher en corps, et menaçant de punir ceux qui s’obstineraient à rester isolés. Les désirs de Napoléon furent accomplis, officiers et soldats rentrèrent dans leurs rangs, et avec eux, l’ordre et la discipline. Enfin, l’armée avançant à marches forcées, arriva le 25 novembre sur la Bérésina, sur laquelle Napoléon fit jeter des ponts dont il présidait les travaux. Toute l’armée ayant passé la rivière, elle se mit en marche sur Wilna.

Étant à Smorghoni, le 5 décembre, Napoléon tint un grand conseil de guerre, donna ses instructions et le commandement des troupes à Murat, et partit pour Paris. À peine fut-il éloigné, que le découragement s’empara de ces braves qui venaient d’affronter des souffrances plus redoutables que la mort.

Tandis que la France et l’Europe croient Napoléon enseveli dans les neiges du Nord, elles apprennent qu’en moins de quatorze jours il a traversé la Pologne, l’Allemagne, et qu’il a atteint les rives de la Seine (18 décembre 1812).

Le lendemain de son arrivée dans son palais des Tuileries, des salves d’artillerie annoncèrent sa présence dans la capitale. De tous côtés, on s’empressa d’assister à son lever, les harangues accoutumées du Sénat, du conseil d’État, des corps judiciaires, du grand maître de l’Université, reprirent leur cours. En cette occasion, l’Empereur dut être peu sensible à des démonstrations de joie qui auraient dû faire place à des compliments de condoléance ; le temps s’était singulièrement rembruni, on n’était plus aux époques brillantes d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram.

Ce qui affligea surtout Napoléon, ce qui l’affecta peut-être plus que le désastre de Moscou, ce fut la conspiration de Mallet (23 octobre 1812), dont il prit une connaissance approfondie.

Cependant son âme, retrempée par les revers, avait redoublé d’énergie et d’activité ; il présidait tous les jours plusieurs comités pour régler, conduire les affaires tant extérieures qu’intérieures de son vaste empire. Le 11 janvier 1813, une levée de 250.000 hommes est décrétée par le Sénat. Dans le mois précédent, il avait fait sa paix avec le pape, qu’il tenait prisonnier à Fontainebleau. Il voulait, par cette espèce de nouveau concordat, se rendre les populations catholiques favorables, et laver la tache que, pour des yeux dévots, l’excommunication pontificale avait imprimée sur son front.

Un sénatus-consulte du 5 février détermine la forme de la régence pendant la minorité de l’Empereur ; le roi de Rome pourra être sacré et couronné du vivant de son père ; en conséquence, le fils de l’Empereur sera sacré le plus tôt possible ; sa mère, l’impératrice, a des droits incontestables à la régence. Napoléon n’avait rien tant à cœur que d’assurer à sa postérité l’héritage et la reversion de son immense pouvoir. Par des lettres du 30 mars suivant, l’impératrice