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les Turcs et les Koulouglis, taxé les tribus, pillé les villages et fait décapiter plusieurs kaïds, viola le traité et rompit brusquement avec nous.

Le 5 mai 1839, il demanda et obtint l’appui de l’empereur de Maroc, ainsi que la concession du territoire situé entre Ouchda et la Tafna. Au mois d’octobre, il fait égorger dans l’ouest de la Mitidja le commandant Raffet et 200 de nos soldats ; on marche contre lui et l’on reprend Cherchell, Mildah, Milianah, etc.

En 1841, sous le gouvernement de M. Bugeaud, Mascara, Tlemcen, Borhan, Thazat, Tekdemt, Saïda et Tafraoùts tombèrent en nos mains. L’émir n’ayant plus ni villes, ni magasins, ni trésors, n’était plus qu’un chef de partisans. La prise de la smala par le duc d’Aumale lui porta un coup terrible ; et, poursuivi à outrance par le général Bugeaud, il fut forcé de chercher un refuge dans le Maroc. Là, il sut attacher à sa cause l’empereur Abd-er-Rhaman. Comme marabout, il prêcha l’extermination des infidèles et souleva de nombreuses tribus marocaines ; il parvint aussi à se faire écouter par les premiers fonctionnaires de la cour de Fez, qui ne cherchaient qu’un prétexte pour nous déclarer la guerre. — La victoire remportée à Isly par M. Bugeaud, créé maréchal après ce beau fait d’armes, ruina complètement son crédit.

Dans le traité de Tanger (10 septembre 1844), il fut convenu qu’Abd-el-Kader serait mis hors la loi dans le Maroc.

On n’a pas oublié l’horrible guet-apens de Sidi-Brahim, où nos soldats, commandée par le colonel Montagnac, furent égorgés sans pitié par les troupes de l’émir.

Depuis plus de six mois les bruits les plus contradictoires circulaient en France sur Abd-el-Kader, mais dans la province d’Oran sa position était mieux connue, car la plus grande surveillance était exercée sur la frontière.

Le général de Lamoricière avait appris qu’Abd-el-Kader, refusant de se rendre à l’empereur de Maroc, s’était entendu avec ses principaux officiers pour tenter une dernière fois la fortune. Le 13 septembre, un ex-brigadier du 2° chasseurs d’Afrique qui s’était échappé de la Deïra, accourt annoncer au général que l’émir veut livrer encore un combat avant de se retirer vers le Sud avec ceux qui voudront l’y suivre.

Le 21, à cinq heures, la Deïra passe la Kiss et entre sur notre territoire. Abd-el-Kader, seul à cheval, est en tête de l’émigration ; le général Lamoricière, prévenu à temps, ordonne à deux détachements de vingt spahis choisis, revêtus de burnous blancs et commandés par les lieutenants Bou-Krauïa et Brahim, de garder le passage que devait prendre la Deïra ; pour parer à tout événement, il fait prendre les armes à sa colonne et se porte sur la frontière ; il avait à peine fait une lieue et demie que des cavaliers envoyés par Bou-Krauïa le prévinrent qu’il était en présence d’Abd-el-Kader. On vole aussitôt à son secours. Au bout de quelques instants, il rencontre Bou-Krauïa lui-même avec des hommes dévoués à Abd-el-Kader, chargés de porter sa soumission à M. de Lamoricière.

L’émir avait remis à Bou-Krauïa une feuille de papier sur laquelle il n’avait fait qu’apposer son cachet, car le vent, la pluie et la nuit l’avaient empêché d’y rien écrire. Abd-el-Kader demandait une lettre d’aman pour lui et ceux qui l’accompagnaient.

Le général ne pouvait, pour les mêmes causes, répondre à l’émir ; mais il remit aux envoyés son sabre et le cachet du commandant Bazaïin, en leur donnant verbalement la promesse de l’aman le plus solennel.