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Et ces cœurs purs et droits, vers lesquels le divin Visiteur était descendu et qui l’avaient accueilli, s’ouvraient à la joie, tressaillaient d’une émotion forte et suave.

La messe commença. Les chants liturgiques succédèrent au cantique. La foi est vive dans les campagnes et le nombre des communiants fut grand.

Les mélodies naïves et gaies de la messe de l’Aurore vinrent bientôt annoncer la fin de la cérémonie.

L’Enfant-Jésus était né. La paix et la joie s’étaient répandues sur la terre parmi les hommes de bonne volonté, et cet événement heureux allait maintenant être célébré dans tous les foyers, où il allait procurer aux petits ces joies si vives et si sincères dont, devenus grands, nous nous rappelons tous avec un vague regret, comme on se rappelle les jours de bonheur qu’on ne peut plus revivre.

Arthur Doré, sa mère et sa sœur, et Louis Duverger et sa famille se trouvaient dans la foule qui sortait de l’église, en riant et en causant, après la messe, pendant que les cierges s’éteignaient un à un et que le silence et l’obscurité reprenaient possession du chœur, des jubés, des chapelles et de la nef, où flottaient encore des parfums d’encens.

Les deux étudiants étaient arrivés à Saint-Augustin depuis quelques jours et prenaient à la célébration des fêtes de Noël et du jour de l’An ce plaisir particulier qu’éprouvent ceux qui font trêve au travail et aux soucis de la ville pour venir se retremper dans le calme et le repos de la campagne.

Tous deux avaient été accueillis par leur famille avec les démonstrations d’amitié qu’on peut imaginer, après leur absence de près de quatre mois.

Les enfants de la famille Duverger avaient fait fête à leur grand frère ; le père et la mère de Louis avaient témoigné avec une vive tendresse leurs plaisir de le revoir. Quant à Arthur Doré, sa mère et sa sœur l’avaient accueilli comme s’il eût été l’enfant prodigue revenant au foyer ; elles avaient accablé ce grand enfant un peu fainéant de marques de tendresse et d’attention touchantes et exagérées. Dès qu’il fut arrivé, il devint, comme autrefois, le seul être de la maison qui comptât. On se régla sur ses caprices, on prévint ses moindres désirs. Madame Doré et Marcelle voulaient qu’il se reposât de son mieux, qu’il se remit parfaitement de toutes les fatigues de la vie d’université.

Il se reposa consciencieusement, pendant une semaine, des fatigues qu’il n’avait pas éprouvées ou de celles qu’il s’était imposées uniquement pour ses plaisirs, puis il se lassa de la vie de reclus qu’il menait avec sa mère et sa sœur depuis son arrivée et rechercha la société de Louis. Avec son égoïsme habituel, il ne s’était pas préoccupé de son camarade tant que l’ennui ne l’avait pas poussé vers lui et il n’avait pas songé un seul instant qu’il pourrait faire plaisir à sa sœur et lui procurer un peu de distraction en invitant l’étudiant à venir chez