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tendaient.

Madame Leblanc tricotait un bas, Marie-Louise feignait de lire ; et Blanche et Édouard, un peu à l’écart, causaient.

C’était le vingt-six décembre et un souvenir triste et adouci du lendemain de Noël de l’année précédente errait dans l’esprit des veilleurs.

Édouard redisait pour la centième fois à Blanche comme il était heureux près d’elle. Et Blanche, qui partageait ce sentiment, lui répondait par les mots de tendresse, dont les femmes ont le secret, où la voix et le regard sont tout, et qui rendraient de moins ardents qu’Édouard capables d’héroïques folies, pour plaire à celles qui leur parlent ainsi.

Blanche lui demandait, maintenant, si son élection influerait sur ses projets d’avenir ; et il lui répondit que, s’il était élu, il viendrait se fixer à Saint-Germain.

Ils se turent.

Aucun autre bruit que celui du feu, dans la maison.

Dehors des voteurs attardés et gais, passent en chantant, au clair de la lune, sur la neige argentée.

Par les fenêtres, on voit les champs blancs s’étendre à perte de vue.

Tout à coup on sonne.

Édouard va ouvrir.

C’est Giroux. Il exulte. Tu es élu s’écrie-t-il ; il serre frénétiquement les mains d’Édouard et a besoin de se contenir pour ne pas embrasser tout le monde.

Il est tard : — Minuit.

Pendant que les femmes, heureuses, montent à leurs chambres, Édouard, entraîné par Giroux, s’en va au comité, remercier ses électeurs.



CHAPITRE XXIX.

Enfin !


Trois semaines après son élection, Édouard se mariait.

Les cloches sonnaient à toute volée.

Sonnez ! carillons de cuivre, sonnez ! sonnez ! c’est la joie qui passe.

C’est une fête de tout le village que le mariage du député : tous les gens sont à leur porte pour voir passer les carrioles, qui vont au son clair des grelots ; et le cortège nuptial est imposant.

Dans l’église il y a foule ; chacun se hausse, pour mieux voir les mariés : lui, si beau avec son air vainqueur et sa haute taille ; elle, si douce et les yeux humides de bonheur.

Affaissée sur un prie-Dieu, cachée, dans un des bas-côtés, aux regards indiscrets, madame Leblanc pleure à chaudes larmes. — C’est trop de bonheur et de regret pour elle, pauvre femme.

Enfin, elle se console et regarde avec fierté son fils agenouillé, là-bas. Il a toujours été un fils modèle, se dit-elle : sainte Vierge, protégez-le et gardez-les, tous deux.

Marie-Louise suit la cérémonie avec émotion, elle aussi.

Les paroles sacramentelles sont prononcées ; et les fiancés deviennent graves ; lui répond avec fermeté, elle avec ferveur.

C’en est fait ; ils sont liés pour la vie ; et ce mot redoutable, toujours, ne les effraie pas.

Pour les invités, tout se passe gaiement ; on observe et on note les incidents du mariage.

Pour eux, tout se passe comme un rêve rapide et vague ! — Tout… excepté, peut-être, les adieux de leurs parents. — La cérémonie, le déjeuner de noce, l’allée à la gare, en voiture, ont