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— Peu importe : on le ferait circuler. Je me fais fort d’y arriver. Pourvu qu’il y ait à Saint-Germain et dans les environs assez de population et d’affaires, il n’en faut pas plus pour compter sur le succès : ce sont des bases suffisantes.

— Population et affaires sont très suffisantes, je crois.

— Alors, c’est dit. Je vais entrer en communication avec le propriétaire du journal actuel et, si je réussis, quand vous descendrez à Saint-Germain, aux vacances, vous m’y trouverez installé et journalisant.

— J’espère même, dit Édouard, que vous serez reçu chez moi avant ce temps ; j’écrirai à la maison, pour les prévenir, et vous n’aurez ensuite qu’il vous présenter pour être reçu à bras ouverts. On vous accueillera comme si vous étiez de la famille, en souvenir de moi.

— Je bénirai votre souvenir.

— Comme ça, vous aurez un chez vous, là-bas.

— Je vous en suis très reconnaissant.

— Vous ne m’avez pas dit comment vous appellerez votre journal ?

— Le « Progrès ».

— Ah ! et vous comptez réussir ?

— Certainement. Voici ce que je compte faire : je veux m’occuper des gens de Saint-Germain et autres lieux circonvoisins et raconter leurs faits et gestes, leur parler d’eux-mêmes, vous savez, et de ce qu’ils font ; ça ne pourra pas manquer de les intéresser.

— Je le crois.

— C’est la première chose : faire un journal qui parle aux gens des choses qui les concernent et dont il leur est agréable d’entendre parler. Je leur donnerai un peu de littérature ; peut-être un feuilleton ; j’aurai des mots pour rire et des annonces ; je remplirai le reste avec des articles où j’étudierai les choses, les événements, et les hommes, et où je dirai qu’il faut aimer le juste et le vrai, et où je montrerai de quel côté ils se trouvent. Je saurai, je l’espère, plaire et instruire. Je crois qu’en faisant de bons journaux attrayants on peut arriver à combattre la mauvaise presse, à instruire le peuple et à le conduire dans le chemin de la justice et du progrès.

— Mon cher, je vous demande, dès maintenant, l’honneur de collaborer à votre journal…

— J’accepte et je vous remercie. Vos articles auront d’autant plus d’attrait pour les lecteurs que vous êtes un de leurs pays. Vous serez un collaborateur précieux ; je vous rappellerai votre promesse, en temps et lieux.

— C’est entendu.

— Je me ferai probablement de quoi vivre rien qu’avec les travaux d’impression que j’exécuterai pour le public.

— Je le crois.

— Et puis, j’ai, pour m’encourager, l’exemple de plusieurs journaux ruraux, qui réussissent.

— Je vous souhaite tout le succès possible, mon cher ; je crois que vous réussirez.

Après cette longue conversation, qui devait décider de l’avenir de Giroux, celui-ci demanda encore quelques renseignements et prit congé.

Il est à souhaiter, pensa Édouard, que le nombre des journalistes de la trempe de ce noble cœur augmente de plus en plus.


CHAPITRE XXIII.

Les principes


Par une belle après-midi de fin de mai, Édouard et Ricard se promenaient à travers les sentiers embaumés de la montagne.