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On l’accusait d’avoir des vues intéressées et ambitieuses, quand il venait de sacrifier, pour demeurer dans la politique provinciale, les deux mille cinq cents dollars de traitement de député aux Communes, et quand il eût pu, s’il l’eût voulu, être depuis longtemps ministre fédéral — quoi que pussent dire ceux qui affectaient de croire le contraire parce qu’ils n’avaient pas vu un acte de cette offre, rédigé par-devant notaire.

On osait l’accuser ainsi quand, depuis le début de sa carrière politique, il n’avait fait que se sacrifier et défendre les droits des minorités et ceux de la race canadienne-française.

On allait même jusqu’à le traiter de démagogue, lui qui ne faisait appel qu’aux plus nobles sentiments du peuple, et uniquement dans l’intérêt de la vérité et de la justice.

Enfin, suprême argument, — je passe les mensonges et les inepties trop fortes sous silence — on criait au péril national.

Vil bétail domestiqué !

Lafontaine s’est-il montré bien conciliant quand il a revendiqué les droits de la langue française et croît-on plus dangereuse, maintenant, l’affirmation de nos droits que ne l’ont été leurs revendications et leur conquête, de 1837 à 1847 ?

Édouard en était là de ses réflexions, quand sa maîtresse de pension vint lui porter une lettre qu’elle avait oublié de lui remettre plus tôt.

C’était une lettre de Blanche, — où il n’était nullement question de politique, mais uniquement d’Édouard et de leur cher amour.

Saint-Germain 25 fév., 190…


Mon Édouard chéri,

Je vois par vos lettres que vous vous intéressez fort à la politique ; pour n’en pas devenir jalouse je m’y intéresse, moi aussi, à votre suite. Associez-moi à vos projets et faites-moi part de vos espérances.

Je crois bien que si je tenais à avoir droit de vote, ce serait uniquement pour vous donner un vote de plus.

Nous aurons chacun notre part dans la vie active que vous semblez vouloir mener : vous, vous ferez de beaux discours, vous serez député, ministre ; moi, je serai là quand vous préparerez vos harangues et, quand vous les aurez prononcées, je serai, si vous le voulez, la « petite source » auprès de laquelle vous vous reposerez et à laquelle vous vous rafraîchirez.

Je n’ambitionnerai pas d’autre rôle, pleinement satisfaite, si la manière dont je le jouerai peut vous rendre heureux.

J’ai vu Marie-Louise ; nous avons longuement causé de vous. Si vous saviez quel charme j’éprouve maintenant, à pouvoir parler de vous, avec confiance et abandon, et le plaisir que j’ai d’entendre votre charmante petite sœur me conter comment vous étiez, à la maison, ce que vous faisiez et comme tous vous aimaient. Il me faut vous chérir beaucoup, pour vous aimer autant qu’on vous aime chez vous… J’espère que vous êtes satisfait de moi sous ce rapport.

Marie-Louise sait tout, maintenant. Si vous aviez vu comme elle était contente. Oh ! la chère petite fille… Si vous saviez comment elle m’appelle, quand nous sommes toutes seules, ensemble, toutes les deux…

Aussi, je l’aime de tout mon cœur… Autant, je suppose que vous aimez la politique.

Pardonnez-moi de vous taquiner comme cela ; je comprends et j’approuve vos goûts, — et vous me rendez bien heureuse en me les confiant.

J’imiterai votre exemple ; et ce sera sans la moindre répugnance et avec le