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min et de se faire un nom, Édouard trouvait bon un tel secours et un semblable encouragement.

Quand un jeune homme est reçu avocat, en effet, tout est fait et tout est à faire.

Il a tout ce qu’il lui faut pour commencer la lutte, mais tout est encore à conquérir.

Édouard envisageait l’avenir d’un œil calme et serein, et songeait à organiser sa vie. Car, il ne suffit pas de faire monotonement, pesamment, son labeur de chaque jour, comme le bœuf trace son sillon, il faut viser plus haut et avoir des aspirations qu’on tente de réaliser par des efforts méthodiques et infatigables.

Il faut avoir un but.

L’homme qui, sans se laisser détourner de son chemin, ne s’arrête pas à tous les carrefours, ne s’engage pas dans les sentiers de traverse, néglige tout ce qui ne doit pas servir à ses fins et marche droit au but, comme on marche à un ennemi, cet homme est puissant et doit arriver.

Ainsi était Édouard.

Sous peine d’être chimérique, avant la fin, on doit vouloir les moyens ; aussi, tout en entrevoyant de vastes possibilités, pour y atteindre, il voulait, d’abord, accomplir fidèlement et du mieux possible le travail de chaque jour, et puis, ensuite, apprendre à connaître les gens, les choses et la vie. Il désirait aussi travailler à meubler davantage son intelligence et à former son esprit, persuadé qu’on ne doit aspirer aux sommets qu’en autant qu’on a travaillé à se rendre digne d’y occuper une place.

Il se rendait au bureau à bonne heure et y travaillait toute la journée.

Quand il faisait beau, il allait souvent chercher le repos et l’air pur sur la rue Sherbrooke, du côté de la montagne. Il choisissait volontiers aussi cette heure où, trop fatigué de la journée, on n’est plus bon à rien, pour faire ces mille et un petits riens qui demandent du temps et n’exigent pas grand travail : courses à faire, lettres à écrire, par exemple, et, souvent, lecture des journaux.

Le soir, après une petite promenade, du théâtre, quelque fois, souvent des amis à voir ou à recevoir, mais jamais d’inactivité ni de flânerie. Quand il n’était à aucun travail, il s’appliquait à celui de la réflexion, si nécessaire et si utile.

Il n’avait pas, comme on le voit, beaucoup changé ses habitudes d’étudiant, demeurant le même : travailleur et sérieux.

Lavoie avait été le premier à recevoir sa visite, à son arrivée en ville, et le trio d’amis s’était reformé : lui, Lavoie et Soucy.

Mais, s’ils étaient aussi intimes qu’auparavant, ils ne l’étaient plus de la même manière : le sérieux qu’imposait sa nouvelle situation à Édouard, comme aussi la gravité que les tristes événements de décembre avaient donné à son caractère, lui enlevaient toute velléité d’être le gai camarade d’autrefois, en le laissant néanmoins l’ami sincère et agréable qu’il serait toujours.

Mon cher Édouard, lui avait dit Lavoie, tu mérites richement que le sort te dédommage un peu ; mais, en as-tu de la chance, tout de même : être entré dans un aussi bon bureau !

— J’en suis bien content, je t’assure.

— Comment te trouves-tu, à ton bureau ?

— Parfaitement bien : on y est très gentil pour moi.

— Y a-t-il beaucoup d’ouvrage ?

— Pas mal.

— Ça ne t’embarrasse pas ça.

— Je fais de mon mieux.

Lavoie préparait ses examens pour