Page:Mousseau - Les Vermoulures.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 54 —

Que te dirai-je de moi ? Je me laisse vivre, tout en me livrant, pour mon compte, à des réflexions analogues.

Je lis et j’écris beaucoup, et le temps passe, léger et bien employé.

Tiens-moi au courant de ce que tu fais et de ce que tu décideras et crois-moi toujours,

Ton meilleur ami,
Louis Ricard.

Après dîner, Louise dit à son frère : mets-toi beau ; je t’emmène quelque part avec moi.

Madame Leblanc sourit avec indulgence et dit à ses enfants : ne revenez pas trop tard.

— Soyez sans crainte, maman ; nous serons ici pour le souper.

Ils partirent pour chez Coutu, où Louise emmenait son frère, fière de le montrer à son amie, — et avec quelque autre arrière-pensée, peut-être.

Ce fut Blanche qui vint à la porte ; et son empressement à ouvrir eût pu faire supposer qu’elle les attendaient.

Ils parlèrent examens, naturellement.

Louise demanda : n’est-ce pas qu’il est beau, mon avocat ?

C’était une question embarrassante. Blanche eut bien répondu dans l’affirmative, mais elle se contenta de dire : oui, son titre lui va bien.

— Vous êtes content d’être reçu, monsieur Leblanc ?

— Oh ! oui, mademoiselle.

— Vous devez être fier de n’avoir plus à étudier.

— Je n’ai plus d’examens à préparer ; mais il faudra que j’étudie toute ma vie : chaque cause est une nouvelle étude.

— Que je vous plains donc : vous ne pouvez jamais vous reposer, vous autres les hommes.

— C’est affaire d’habitude.

— Je crois que je ne serais pas capable de prendre cette habitude-là.

— Vous n’en avez pas besoin.

Heureusement, dit-elle, en souriant.

Il fallut prendre congé.

Le long du chemin, Édouard était songeur.

À quoi penses-tu donc, lui demanda sa sœur ?

— À toutes sortes de choses.

— Encore ?

— Je te dirai ça.

En gentille petite sœur, Marie-Louise n’insista pas. Elle attendit, croyant bien savoir un peu à quoi songeait son grand frère.

Dans le courant de la semaine, Édouard reçut une lettre de ses anciens patrons, Langlois et Alarie, chez qui il avait fait sa cléricature.

Cette lettre était ainsi conçue :

Montréal, 16 janvier 190….


Langlois et Alarie,

Avocats.

Édifice de l’Assurance Royale,

2, Place-d’Armes,
Chambre 50.

M. Édouard Leblanc, Avocat,

Saint-Germain.

Monsieur,

Nous avons appris avec plaisir la nouvelle de votre succès à l’examen du Barreau.

Nous espérons que vous en avez été très satisfait, vous-même, et que vous commencez, maintenant, à vous remettre de vos fatigues.

Depuis votre passage au bureau, les affaires ont beaucoup augmenté et le besoin d’un nouvel avocat, pour aider à expédier les affaires, se fait grandement sentir.

Nous souvenant de votre ardeur au travail, de votre entente des affaires et de votre parfaite courtoisie, nous avons songé à vous.

S’il vous plaît d’accepter cette offre, nous serions prêts à vous donner soi-