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— Ce ne sera pas long ; il y a quelque chose de particulier.

— Qu’est-ce que c’est ?

Il y a substitution de personnes, leur dit-il, confidentiellement.

En est-on sûr, demanda Édouard ?

— On fait une enquête.

— Et si on découvre ce qui en est ?

— Celui qui a voulu se faire passer pour un étudiant et se présenter à sa place, pour lui faciliter l’examen, ira peut-être en prison.

— C’est sévère.

— On ne peut toujours pas approuver ça.

Je crois, en effet, que c’est une œuvre de charité qu’il ne faut pas encourager, dit finement Ricard.

Les étudiants rirent et attendirent plus ou moins patiemment.

L’enquête faite, on reconnut qu’il y avait réellement eu personnification ; la copie du personnificateur fut gardée comme pièce à conviction et l’examen se continua.

Cette seconde séance était la dernière de l’examen ; chacun se mit à l’œuvre avec entrain, encouragé par la pensée que c’était la fin.

Édouard y allait de si bon cœur qu’il termina une demi-heure avant tous les autres.

Il remit sa copie et sortit.

Un examen de plus.

Il se promenait près de la porte de la salle ; Ricard vint le rejoindre.

— Ah ! mon bon, quelle délivrance ! Es-tu satisfait ?

Oui, dit Édouard : je suis passé.

— J’ai tout lieu de le croire, moi aussi.

Ils se rendirent compte, tous les deux, de leurs risques de faillir et convinrent que c’était impossible.

Mais on n’est jamais absolument certain de son affaire, tant que les résultats officiels ne sont pas connus.

Ils furent enfin proclamés, ces résultats ; et Ricard ainsi qu’Édouard purent lire leurs noms sur la liste des heureux.

Maintenant, c’est à la formalité de l’examen oral qu’on procède.

Les étudiants entrent et sortent, à la file.

À mesure qu’ils passent, le secrétaire du Barreau leur administre le serment d’office, qu’il accompagne d’une bonne poignée de main, et… ils sont avocats.

Détails significatifs, on ne s’attarde plus à se féliciter, comme après l’examen de l’Université. Tout de suite, on est des concurrents — et des adversaires — dans la lutte pour la vie.

Chacun part et va de son côté, où l’appellent ses affections et ses intérêts.

Le lien est brisé.

Quelques uns, cependant, ont l’amitié plus solide ; et c’est ce qui explique qu’Édouard et Ricard prirent ensemble la route du bureau du télégraphe, pour annoncer l’heureuse nouvelle à leurs familles.

Chacun d’eux prenait le train, dans quelques heures, pour une destination différente.

Tu m’écriras, dit Ricard.

— Oui ; et puissions-nous nous revoir, le plus tôt possible.


CHAPITRE XVI.

L’éternel refrain


— Bonjour, mon cher Édouard, mon cher petit frère !

Et Marie-Louise riait et pleurait presque, et le dévorait de baisers.

C’était sur lui, depuis la mort de son père, que se reportait le trop plein d’affection de son petit cœur sensible et aimant.

Ce soir-là, comme il descendait des chars, pâle, blond, et vêtu de noir,