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l’entretint tant et si bien qu’il était charmé et qu’il racontait tout ce qu’il savait, de lui-même.

Ils arrivèrent chez la jeune fille.

Je n’ose pas vous prier de monter, dit-elle.

Et moi, dit-il, je n’oserais pas entrer.

— Alors, ce sera pour une autre fois. Au revoir, monsieur Leblanc ; merci beaucoup.

Au revoir, mademoiselle : dit-il, en s’inclinant profondément.

Édouard ne parla à personne de sa rencontre. Dans le courant de la soirée il dit, comme par hasard, à Marie-Louise : il me semble que mademoiselle Coutu ne vient plus aussi souvent ?

— C’est à cause de toi, mon cher.

— Pourquoi ça ? Comment ?

— Elle suppose que j’ai moins besoin d’elle, quand tu es ici.

— C’est me faire beaucoup d’honneur ; mais je ne voudrais pas te priver de sa compagnie.

— Et puis, il y a une autre raison.

— Laquelle ?

— Tu comprends qu’elle ne voudrait pas que les gens imaginent qu’elle vient ici pour toi, ni que tu le penses, toi-même.

— Par exemple ! C’est à croire !

— C’est comme cela.

— Elle a bien tort.

— Oui ; mais je crois qu’elle va venir ce soir ; je le lui ai demandé ; j’ai besoin d’elle.

— Ah !

— Es-tu content ?

— Je n’ai pas lieu d’être fâché.

Marie-Louise ne dit rien, mais elle jeta à la dérobée un tendre regard vers son frère, un regard de sœur ingénieuse et aimante.

À sept heures, Blanche arriva.

Elle dit bonsoir à Édouard et embrassa madame Leblanc. Louise l’emmena dans sa chambre, où elles s’occupèrent de couture, jusque vers neuf heures, tout en causant amicalement et affectueusement.

Elles se complétaient admirablement bien et s’entendaient à merveille : Louise, blonde, un peu frêle, rieuse et aimante ; sa compagne, plus forte de corps et de caractère quoique également tendre et affectueuse.

Simples, naturelles et bonnes enfants, toutes les deux pleines d’esprit et même quelque peu malicieuses.

Blanche apparut dans le boudoir, coiffée, habillée et prête à partir.

— Imagine-toi, maman, qu’elle ne veut pas rester coucher avec moi ; je ne sais plus quoi faire pour la retenir.

Elle a, sans doute, ses raisons, dit madame Leblanc.

— Il faut absolument que je retourne à la maison. Viens me voir, à ton tour, Marie-Louise.

Édouard va vous accompagner, Blanche, dit madame Leblanc.

— Je vous remercie, madame : il n’est pas tard et les chemins sont bien sûrs.

— C’est plus prudent.

— Mais, je ne voudrais pas déranger monsieur Leblanc.

— Ça ne me dérangera pas du tout, mademoiselle.

— Alors, venez.

Il ne se le fit pas dire deux fois.

Comme la nuit était très sombre et qu’on voyait à peine le chemin, Édouard offrit son bras à sa compagne.

Elle y posa simplement la main ; mais, à un passage difficile, elle dut s’accrocher à lui, pour ne pas tomber, et elle laissa ensuite son bras reposer sur le sien.

Ils parlèrent des événements douloureux de Noël. Elle le plaignit sincèrement et gentiment ; il la remercia et lui dit tout ce qu’il lui devait, surtout pour les bontés qu’elle avait eues