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entend la voix des anges, clamant du ciel à la terre l’Hosanna de la Rédemption.

Et quand arrive l’élévation, il ploie, courbé par un souffle irrésistible.

Il se ressaisit peu à peu ; il sort de cette ivresse, faite de musique et d’émotion.

À la communion, il va à la sainte table ; ses pensées se tournent alors vers la maison ; il songe à son père, à sa mère, à sa chère petite Marie-Louise ; c’est pour eux qu’il prie et c’est sur eux qu’il appelle les bénédictions.

Maintenant, le mystère est dissipé : l’Enfant, dont les anges annonçaient la venue, repose dans la crèche et ce sont les hommes qui crient jusques aux cieux leur allégresse : les vieux noëls s’élèvent, joyeux et entraînants, parlant d’allégresses anciennes et conviant tous ceux qui sont là et tous ceux qui n’y sont pas, à la réjouissance nouvelle.

Quelle poésie se dégage de ces chants vieillots et, pourtant si beaux.

Que de bouches les ont chantés. Et des siècles les ont entendus.

En vérité, il est bien grand le monarque pour qui retentit, à travers les temps, une telle acclamation.

* * *

Eh bien, mon vieil Édouard, qu’est-ce que tu as fait de ta journée, hier, lui demandait Ricard, le lendemain de Noël ?

— Je l’ai passée meilleure que je ne l’aurais cru. Vers les dix heures, Lavoie est venu me réveiller ; il venait me prendre pour dîner avec lui. J’y suis allé et nous avons passé la journée ensemble ; nous nous sommes promenés, toute l’après-midi ; dans la soirée, il a fait faire de la musique à ses sœurs ; bref, si ç’avait été chez nous, j’aurais été complètement heureux.

Il est toujours de bonne humeur, Lavoie ?

— Toujours ; je ne l’ai jamais vu autrement.

— Moi non plus… C’est un événement que la journée de Noël ; il a été un temps où j’étais bien content de la voir arriver.

— Je suis sûr que tu l’aimes encore ?

— Pas pour les mêmes raisons.

— Ce n’est plus Santa Claus qui te fascine ?

— Non ; mais c’est encore et beaucoup le petit Jésus. Ça ne t’étonne pas trop ?

— Non : il y a assurément, dans cette fête, des souvenirs et une célébration qui méritent bien d’arrêter l’esprit et de toucher le cœur.

— Et puis, il y a encore d’autres moindres considérations. C’est la détente et le repos dans la vie et les affaires, les réunions de famille et le resserrement des liens de l’amitié et de la parenté. Ça fait du bien de se reposer de cette manière, de temps à autre.

— De sorte que…

— Si Noël n’existait pas, je voudrais l’inventer. Le jour de l’An, est un jour de fête plus factice et auquel les gens sérieux s’arrêtent moins.

— C’était pourtant le plus important, quand nous étions petits.

— Oui, pour les étrennes et aussi parce que nous comprenions moins ; mais, maintenant……

— C’est autre chose.

Il était déjà huit heures et demie ; Ricard s’interrompit de causer et il dit : nous allons travailler un peu ?

— Volontiers.

Ricard resta plusieurs minutes la tête baissée cherchant l’endroit où l’on s’était arrêté la dernière fois, et feuilletant ses notes ; il ne vit donc pas le changement extraordinaire qui s’accomplit tout à coup sur la figure