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manière plus modérée et même se montrer gai et de bonne humeur.

Ceci fait, — comme il arrive qu’une bonne action soit récompensée, — il se sentit réellement moins triste et plus courageux.

Dans la journée, il était allé se retenir une place pour la messe, au presbytère de Saint-Louis-de-France.

Il avait aussi fait autre chose : — il était allé à confesse.

Édouard, s’il eut été incrédule, eût admis cependant que les autres ne le fussent pas et il eût même désiré le maintien et la conservation de la foi chez tous, comme une sauvegarde pour nos institutions et notre race ; mais, en sa qualité de catholique convaincu et pratiquant, il faisait plus que de permettre aux autres l’usage des sacrements, lui-même s’en approchait, tout simplement, et considérait que ce qui est une grave obligation à Pâques est, en tout temps, une chose infiniment précieuse et réconfortante.

Accomplir son devoir tout entier ; être catholique sincère, sans forfanterie, et l’être sans petitesse ni exagération, voilà ce à quoi croyait Édouard et voilà ce qu’il mettait en pratique.

Une joyeuse volée de cloches vint lui rappeler qu’il ne restait plus qu’un quart d’heure avant la messe.

Il jeta le livre qu’il parcourait distraitement et se revêtit de son paletot.

Le temps était tout blanc et il semblait s’abattre tout entier à terre, en un nuage compact et mouvant d’innombrables flocons de neige.

Les gens et les choses en étaient enveloppés. Son collet relevé très haut, Édouard se dirigea vers Saint-Louis-de-France.

Une foule nombreuse suivait le même chemin : groupes animés d’amis ou de parents.

On riait et on semblait heureux, car on s’en allait à une fête.

La neige monte à l’assaut de l’église, qui présente, dans la nuit, un air de solennité mystérieuse. Édouard pousse la porte du vaste vestibule, secoue le manteau blanc dont il est enveloppé et entre. Au dedans, c’est un triomphe d’éblouissantes lumières et de feuillages superbes partout sur les autels.

On voit, de loin, devant l’autel de la sainte Vierge, la crèche de l’Enfant Jésus, naïf et toujours touchant spectacle.

Sur les tapis moelleux qui couvrent les allées, Édouard avance dans la nef et arrive à sa place.

Dans le banc, deux personnes ; il n’aura pas à se déranger pour laisser entrer quelque dame, dont la traîne enverra rouler son chapeau à terre, au passage.

Il enlève son paletot, car il fait très chaud dans l’église, et il s’agenouille.

Au milieu de la confusion et de la foule qui arrive, il sort son chapelet et essaye de le réciter : tentative infructueuse, car son attention éparpillée le laisse dans un état de vagues aspirations religieuses et d’émotion latente.

Au premier ébranlement des voûtes sous la poussée des accords puissants et joyeux des orgues, un frisson le secoue ; il est traversé par ce je ne sais quoi d’indéfinissable et de profond que provoquent en nous le beau et le grand.

L’office divin peut se dérouler, maintenant, dans toute sa majesté et sa splendeur : il est subjugué, pris par les oreilles et par le cœur, enivré d’harmonie et en proie à l’émoi que provoque le divin.

Tout son être plane et monte, avec l’encens et l’harmonie, là où vont les rêves des enfants et la pensée des saints.

Il voit la campagne de Bethléem ; il