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l’on ne voit bientôt plus que des faces épanouies d’heureux bacheliers et de fiers licenciés avec distinction ou avec très grande distinction.— Summa cum laude.

Cependant, plusieurs attendent encore leur tour.

La séance s’ajourne à sept heures et passés et demi-passés vont se restaurer, en attendant de nouvelles émotions.

Leblanc et son ami, dont les noms se trouvent parmi les derniers sur la liste alphabétique, sont rendus à l’heure dite, impatients d’avoir enfin leur tour.

L’appariteur sort et appelle : monsieur Leblanc !

Édouard, quoiqu’il soit généralement maître de lui, sent plus ou moins le plancher se dérober sous ses pieds. — Ce n’est pas tous les jours qu’on passe de tels examens.

Il entre et, tout de suite, il est rassuré.

Les professeurs sont assis autour d’une immense table, l’air bienveillant et souriant.

Ils ont devant eux des manuels et des traités de droit, qu’ils feuillettent pour y chercher des questions ; et, l’inquiétante feuille où ils marquent les notes qu’ils décernent.

À côté de leurs fauteuils en sont d’autres, où des étudiants, assis près de leurs professeurs, subissent leurs examens.

L’un des professeurs n’a pas d’élève à interroger ; il fait signe à Édouard ; celui-ci va s’asseoir près de lui. D’un air encourageant, il lui pose trois ou quatre questions ; puis : C’est très bien, monsieur Leblanc, ça suffit.

Édouard fait ainsi le tour des professeurs, chacun l’interrogeant sur la matière qu’il enseigne.

Puis il sort, léger, l’écho de tous les « très bien » lui résonnant encore aux oreilles.

Ça a bien été, lui demanda Ricard ?

— On ne peut mieux.

L’appariteur rappelle Édouard.

Celui-ci rentre.

Le doyen lui dit alors quelques mots de félicitations, que les autres approuvent de la tête et du geste, et lui annonce qu’il est licencié avec très grande distinction.

Édouard ne peut croire à un tel succès ; il balbutie un remerciement et sort, tellement rayonnant, cette fois, que Ricard ne lui pose pas de question mais lui presse chaleureusement les mains.

Mes félicitations ! Tu as la distinction.

— Très grande.

— Tu es très distingué.

Ils rient et ils causent, pendant que Ricard attend son tour.

Il ne l’attend pas longtemps.

Monsieur Ricard ?

— Me voici.

Il entre à son tour.

« Monsieur Ricard, lui dit le doyen, vous avez passé un si bon examen écrit que nous vous dispensons de l’examen oral. Nous vous accordons la très grande distinction, avec infiniment de satisfaction, en attendant que nous ayons le plaisir, dans un an d’ici, de vous conférer le titre de docteur en droit.

Ricard, qui a du monde, n’est pas homme à perdre contenance ; quoique pris absolument par surprise, il remercie en termes appropriés et sort, laissant les professeurs absolument contents de lui.

Eh ! bien, disent Édouard et les étudiants qui restent ?

— Ils m’ont fait passer sans m’examiner.

— Tu veux rire.

— Pas de tout.