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rassemblés, les gloires d’aujourd’hui et les hommes de demain : à la table d’honneur, aux côtés du président des étudiants en droit, des ministres, des juges, des professeurs ; à perte de vue, sur les autres tables, des étudiants, riaient et bavardaient, oubliant pour un soir qu’il y a des travaux, des soucis et des examens dans la vie ; tout autour de la salle de banquet, des dames en toilette claires et des jeunes filles venues là pour écouter les discours et aussi pour voir messieurs les étudiants.

Et ces dames, venues au spectacle, offrent, sans s’en douter, le plus joli spectacle.

Les santés et les discours commencèrent. Le président se leva et, dans une très jolie allocution, porta la santé de « nos hôtes. »

Le premier ministre répondit.

Le président pria alors le doyen de porter la santé de l’université.

Le doyen proposa la santé de l’université et but, surtout, disait-il, à la santé des étudiants.

Un étudiant y répondit.

Les santés se succédèrent alors, nombreuses et variées : santé des facultés sœurs, santé du Canada, du roi. — Toutes nos institutions semblaient fort en santé, ce soir-là.

Vint la santé des dames.

Un étudiant chevelu la proposa.

Il n’est pas d’habitude que les dames répondent à cette santé : aussi chacune ne fit-elle de discours qu’à son voisin.

Lavoie, qui était un des dignitaires, était assis auprès de la table d’honneur.

À l’autre bout de la salle, Soucy, après avoir gaiement banqueté, était allé trouver des jeunes filles de sa connaissance ; et, maintenant, assis à leur côté, il avait le rôle ingrat de leur dire qui était celui-ci et qui était celui-là.

Placés à peu près au milieu de la salle, Ricard et Édouard s’amusaient en hommes qui veulent ne pas penser, pour quelques minutes, à l’approche des examens ; et ils riaient aux larmes.

Un orateur, qui ne se renouvelait pas souvent, et qui, à chaque occasion où il était appelé à faire un discours répétait : « C’est mon lot-t-excellent d’avoir assisté à la fête de ce soir et je marquerai ce jour d’une pierre blanche, » venait de dire : « oui, messieurs, je marquerai ce jour d’une pierre blanche ! »

Il a la pierre, dit Édouard.

— Il a une mine de pierre blanche, repartit Ricard.

— Je ne sais pas si les radicaux vont en avoir beaucoup de pierres blanches, le jour des élections générales provinciales ?

— C’est des cailloux, qu’ils ont : tu te rappelles l’assemblée d’Ollivier, au marché Jacques-Cartier, à Québec ?

Un autre orateur rappelait cet empereur romain, qui nomma son cheval consul.

Maintenant, on en fait des ministres, remarqua Édouard.

Un autre encore, faisait une discrète allusion aux événements politiques, parlait en plaisantant des victoires morales.

Mieux vaut une victoire morale qu’une victoire immorale, dit Ricard.

Entra un étudiant, avec deux dames ; il chercha des sièges et, une fois ses compagnes installées, écouta les discours, debout dans l’embrasure de la porte.

Il est en retard, dit Édouard.

— Il manque de présence d’esprit.

— Non, c’est d’esprit de présence.

Un autre sortait.

Il a une absence, dit Édouard.

Une jeune fille regardait Soucy et