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comme tu aimes à les placer, toi-même. Si tu revenais, tout-à-coup, je suis sûre que tu serais content de mon ouvrage.

Tu comprends bien, qu’après avoir pensé à toi toute la journée il faut que je t’écrive.

Tu es toujours dans ton vilain code, je suppose. Je te remercie de penser à moi, quand tu en sors : tes lettres me font infiniment plaisir ; et à toute la famille, aussi.

Papa parle souvent de toi.

Les enfants demandent quand tu vas revenir.

Nous avons beaucoup d’ouvrage, de ce temps-ci. Tout de même, j’ai trouvé le temps de lire les livres que tu m’as envoyés ; je les ai bien aimés.

Imagine-toi que je me suis fait une nouvelle amie ; une vraie et une bonne, tu sais.

Tu te rappelles la petite Blanche Coutu, que tu as toujours été trop sauvage pour vouloir connaître : elle demeure tout près de chez nous, maintenant, dans la maison neuve, qu’on a construite cet été.

Moi non plus, je ne la connaissais pas beaucoup ; mais je suis allée la voir et elle est si gentille que nous nous aimons tout plein.

Nous causons souvent de toi ; et nous en causerons encore plus, car nous voisinons comme deux bonnes. Elle est si fine.

J’ai déjà commencé à prier pour tes examens. Dieu que j’ai hâte d’embrasser l’avocat célèbre que tu vas être ! M. le curé m’a dit de te faire ses amitiés, quand je t’écrirais.

Maman t’embrasse, et moi aussi,

Ta petite,
Marie-Louise.

Édouard relut en souriant le gentil billet de sa sœur.

Ce n’était pas le premier qu’il recevait ; et il se faisait, une fois de plus, la réflexion qu’un si bon petit cœur méritait bien d’être heureux.

C’est à sa chambre, en revenant du cours, qu’il avait trouvé cette lettre. Il en trouvait souvent, ainsi. Elles lui donnaient plus de courage pour travailler.

Depuis le premier septembre qu’il venait s’enfermer avec ses livres, après le cours, il lui arrivait, des fois, de trouver la tâche lourde et la vie un peu monotone.

Mais il tenait bon, et étudiait consciencieusement.

Étudiant de première et de seconde années il passait la journée au bureau. Maintenant, il lui fallait mettre la dernière main à l’œuvre et apprendre presque par cœur les textes qu’il avait commentés et appliqués, jusque-là.

Vie fastidieuse, s’il en fut, mais épreuve nécessaire et très supportable : il descendait au cours, revenait travailler, dînait, faisait une promenade, se remettait encore à l’étude, redescendait au cours du soir et travaillait presque toujours à sa chambre après souper. Quelquefois, il passait une soirée à la bibliothèque de l’Université, d’autres fois, mais moins souvent, il sortait, soit seul, soit avec ses amis.

Rarement de théâtre.

Quelques concerts.

Il ne se donnait congé que le dimanche. Une visite par ci par là et quelques soirées intimes composaient tout le mondain de sa vie de garçon sérieux et d’étudiant studieux.

Il avait cependant de bons moments, chaque jour : c’était aux heures des cours. On se promenait par groupes, dans les corridors, en attendant l’entrée du professeur ; on causait, on discutait et on riait. Si les plantes exotiques qui ornent le corridor du premier étage de l’université Laval pouvaient répéter tout ce qu’elles ont en-