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L’ENVERS DU JOURNALISME

pourraient, d’avoir des entrevues, de donner des détails abondants et complets, et d’expédier tout ce qu’ils trouveraient de portraits et de gravures se rapportant à l’incendie. Un artiste les accompagnait, avec mission de renchérir sur le tout et de faire des croquis des ruines.

Bref, les « envoyés spéciaux » du journal devaient agir de façon à ce qu’aucun trifluvien ne pût douter de la réalité du désastre. On en raconterait les détails à plusieurs reprises, sous des formes différentes, et on illustrerait le tout d’une profusion de gravures qui rendraient le doute impossible.

Il fut fait ainsi.

Le lendemain, le journal ne parlait que de l’incendie de Trois-Rivières. Les meurtres étaient relégués au milieu des annonces et les morts subites étaient totalement supprimées. La politique étrangère et les événements mondiaux étaient réduits à néant par des croquis plein de fumée. La politique locale avait été complètement oubliée. Il n’y avait dans le journal que du sport et l’incendie de Trois-Rivières.

Cela continua pendant deux jours. Puis, l’incendie persistant à ne pas se rallumer et les portraits de tous les sinistrés ayant été publiés, le city editor, — un nouvel employé qui venait de remplacer Dorion, — craignant de laisser languir l’intérêt, envoya Martin et un photographe à la rescousse. Le photographe avait ordre de photographier tout ce qui n’avait pas été croqué par le dessinateur actuellement à Trois-Rivières et Martin devait faire un peu de co-