Page:Mousseau - L'envers du journalisme, 1912.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
L’ENVERS DU JOURNALISME

Martin ne pouvait demander des détails au sujet de la tragédie aux gens qui l’entouraient : il n’y avait que des Italiens. Il revint donc sur ses pas et interrogea les agents qui gardaient le mari de la défunte. Ils lui apprirent qu’il n’y avait probablement pas eu crime et qü’ils ne surveillaient cet homme que par mesure de précaution, jusqu’à l’enquête du coroner.

C’était un accident. Le mari était à nettoyer un revolver, dans la chambre, pendant que sa femme faisait le ménage. Tout à coup le chien de l’arme s’était rabattu et la femme était tombée, tuée net par une balle qui l’avait frappée au cœur. L’homme avait d’abord fait une scène de désespoir, en voyant morte sa vieille compagne, qui partageait depuis au-delà de vingt ans sa laborieuse existence, puis il était tombé dans un mutisme sauvage.

Martin en savait assez pour écrire un récit convenable. Il sortit et respira plus librement, en se retrouvant au grand soleil, dans la rue, où on n’entendait plus les pleureuses, où on ne voyait plus les traits de pierre de la morte et où il n’y avait pas de policiers gardant un homme comme on surveille une bête que l’on aurait surprise et saisie au gîte.

Après avoir décrit ce qu’il avait vu et raconté le récit qu’on lui avait fait dans le pauvre logis italien de la rue Saint-Timothée, Martin se rendit à la cour du recorder. L’avant-midi se passa très rapidement, en cour, car il était arrivé tard. Il revint écrire ses nouvelles et alla luncher.