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L’ENVERS DU JOURNALISME

qui semblaient venus là pour passer le temps. Le plus impassible de tous était un petit homme brun, trapu, dont les traits décelaient la nationalité italienne. Il semblait l’objet d’une surveillance particulière de la part des agents. Martin demanda qui c’était. On lui répondit qu’il était l’occupant du logis et qu’il venait de tuer sa femme d’un coup de revolver.

Des cris et des gémissements se faisaient entendre dans une pièce voisine. Martin, désireux de faire tout son devoir, y pénétra, il se trouva dans la cuisine, où un groupe de femmes pleuraient la mort de la défunte, avec des gestes pathétiques et des contorsions affreuses, semblant en proie à une douleur profonde, mais ayant les yeux absolument secs. Ces filles de l’antique Italie se conformaient aux coutumes anciennes et elles faisaient ce que les pleureuses à gages faisaient autrefois : elles exprimaient des regrets tels et si bruyants que la famille ne pouvait manquer d’en être touchée et que les étrangers devaient se dire, en entendant ces lamentations, que la morte laissait un grand vide derrière elle.

La chambre à coucher donnait sur la cuisine. Par la porte toute grande ouverte, on apercevait le cadavre, étendu sur un lit à moitié défait.

Martin s’approcha. La défunte était une femme du peuple, aux traits durs, qui ne semblait pas avoir cessé de vivre et qui semblait plutôt dormir, quoiqu’un œil exercé pût saisir sur ce visage l’expression vacante de la mort. — L’inexorable visiteuse laisse sa marque sur ceux qu’elle a touchés.