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L’ENVERS DU JOURNALISME

se fit désigner les notables de l’endroit qui étaient présents, nommer le religieux qui présidait la séance, et quand on joua le God Save the King, il avait tous les renseignements nécessaires. — Mais il lui manquait quelque chose, — « les portraits ».

Il ne pouvait songer à envoyer un compte rendu sans portraits : c’eut été déroger à la coutume établie dans les journaux, qui veut que personne ne puisse s’associer à une œuvre de charité ou se signaler autrement à l’attention de ses concitoyens, sans en être récompensé — ou puni, — dès le lendemain, par la publication de son portrait.

La foule s’écoulait. Martin sortit.

Il faisait un temps superbe ; pas un souffle de vent. La lune éclairait une nuit de décembre pleine d’étoiles. La neige craquait sous les pieds.

Martin se fit indiquer la route conduisant au collège des Frères, dont les élèves avaient fait les frais de la séance, et s’en alla quérir le portrait du frère supérieur.

Il était passé minuit quand il sonna à la porte du collège, mais on veillait encore, heureusement. On vint lui ouvrir et il put avoir le portrait qu’il désirait, — une bonne figure pleine de barbe, — et même une couple d’autres. Il s’en revint ensuite à l’hôtel, passant entre deux rangées de sapins dont les ombres le poursuivaient sur la neige blanche.

Il trouva quelques buveurs attardés et aussi un camarade qui était venu comme lui assister aux fêtes de X…ville, pour le compte d’une feuille rivale.

L’air froid et vivifiant de la campagne avait creusé l’estomac à Martin et à son copain. Ils de-