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L’ENVERS DU JOURNALISME

ment toute une classe de la société et, surtout, chaque fois qu’une élection générale a lieu, quand les fils télégraphiques chargés d’effluves mystérieuses apportent, en chantant, le soir, des quatre coins du pays, à travers les montagnes altières et sous les grands arbres verts des forêts du nord, par-dessus les cours d’eau argentées et le long des routes solitaires et lointaines, la nouvelle qu’un gouvernement a été choisi.

Passer un soir d’élection dans une salle de rédaction, c’est partager l’attente et les sentiments inquiets de millions de ses concitoyens et c’est se convaincre que la besogne des journalistes, quelque dure et quelque ingrate qu’elle puisse être, ne manque pas de grandeur et de noblesse.

Le jour de la votation est toujours redoutable pour les journalistes.

Martin, qui n’avait pas encore passé par cette épreuve, l’appréhendait fort. Elle arriva enfin, après six semaines d’une lutte électorale au cours de laquelle Martin et ses camarades avaient entendu à satiété les mêmes arguments et les mêmes discours, cent fois répétés par les orateurs des deux partis.

Ces discours manquaient de sel, le jour de la votation. Quoiqu’ils eussent été de nouveau prononcés dans tous les coins de la ville, la veille au soir, on ne les imprima pas, car cela eut été inutile et n’eut produit aucun effet sur les électeurs, qui auraient presque tous voté, à l’heure à laquelle paraîtrait le journal. On remplit les colonnes comme on put, avec des interviews, des prédictions sur le