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introduction.

l’heure, qui lui a donné toute sa célébrité. Mourguet, lorsqu’il avait monté son premier théâtre, avait, comme ses confrères d’alors, pris pour personnage principal, pour protagonista, comme on dit en Italie, l’éternel Polichinelle. Mais Mourguet, qui était un homme de beaucoup d’esprit & de gaité, avait pour voisin, dans le quartier Saint-Paul, un canut de la vieille roche, aussi gai, aussi spirituel que lui, qui était devenu son confident & son Egerie. Il ne lançait jamais une pochade sans en avoir fait l’essai sur ce censeur, & comme le compagnon était non-seulement un fin connaisseur, mais encore un esprit fécond en matière de facéties, Mourguet rapportait toujours de ces communications un bon conseil & quelque trait nouveau, qui n’était pas le moins original de la pièce. Quand le vieux canut avait bien ri, & qu’il donnait sa pleine approbation, il avait coutume de dire : « C’est guignolant ! » ce qui, en son langage, dans lequel il était souvent créateur, signifiait : c’est très-drôle, c’est très-amusant ! C’est à ce mot suprême que Mourguet reconnaissait son succès, &, quand le jugement avait été ainsi formulé, il portait sans crainte son œuvre devant le public.

Or, Mourguet, dans les pièces qu’il représentait à Lyon, avait été amené par la force des choses à introduire souvent un ouvrier en soie. Pour faire parler ce personnage, il était impossible que les idées, les facéties, l’accent de son vieil ami ne lui vinssent pas sans cesse à l’esprit et à la bouche. Le « C’est