Page:Mourguet - Théatre lyonnais de Guignol, tome 1.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

seulement voulu me donner ce matin cinq cents francs pour avoir la place de maître bottier dans un régiment, je l’aurais débarrassé, j’aurais quitté la ville… Mais qué que ça vous fait à vous tout ça, vieux ?

JÉRÔME.

Vous aviez un frère nommé Jérôme ?

GUIGNOL.

Oh oui ! pauvre Jérôme ! un bien bon enfant, lui ! nous nous aimions bien… il me donnait ben des tapes quéquefois ; mais, c’est égal, je l’aimais bien. Quand il avait une brioche, ou un carquelin[1], ou une pomme, il m’en donnait toujours un morceau… & moi aussi.

JÉRÔME.

Il y a longtemps que vous ne l’avez vu ?

GUIGNOL.

Je pense bien. Il est parti pour l’Amérique, pour la Martinique ; que sais-je ?… Y n’y a pas de chemin de fer pour ce pays-là… Oh ! puis c’est un pays qu’est plein de sauvages qui mangent les hommes… Pauvre Jérôme ! Il est p’t-être mort ; & comment encore ? Il a p’t-être été mangé par un sauvage ou par un cocodrille.

JÉRÔME.

Hé bien ! non, il n’a pas été mangé, il n’est pas mort. Je l'ai vu il n'y a pas bien longtemps.

  1. Craquelin : sorte de gâteau jadis fort apprécié de la jeunesse lyonnaise.