Page:Mouillard - L’empire de l’air.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
AIGLES.

sance musculaire énorme de la part de ces oiseaux.

On aperçoit quelques aigles en Savoie, ce sont les beaux, mais ils sont rares. En Égypte il y en a aussi quelques-uns : de temps en temps on voit passer un oiseau à tournure insolite ; quand il est loin, on se souvient que c’est l’aigle. — C’est en Algérie que j’ai pu étudier de très près cet animal. En hiver il y en avait toujours trois ou quatre à poste fixe à 200 mètres de ma ferme. Ils chassaient les canards sauvages qui se tenaient sur une prairie noyée. Quelquefois ils venaient passer une revue de la basse-cour, mais de loin, parce qu’ils étaient mal reçus. — Ils se tenaient en résumé à la bonne distance qu’on doit désirer pour ses poulets. — C’est que ce n’est pas long pour eux que d’enlever une volaille : on entend les coqs crier, puis un sifflement terrible, et on voit remonter dans les airs une malheureuse pondeuse qui sème ses plumes au vent pendant cette ascension vertigineuse.

Ce que l’on raconte de l’aigle lâchant sa proie lorsqu’on lui tire un coup de fusil, même hors de portée, est parfaitement exact : mais seulement, là comme dans tout, il faut savoir prendre son temps. Je fis expérimenter le fait à un chasseur qui en doutait : il se pressa tellement que l’aigle n’avait pas eu le temps de tuer le canard lorsqu’il le lâcha ; il partit donc d’un côté et sa victime de l’autre. Comme c’était à triple portée, on dut se contenter de le regarder fuir.

Non loin de là se trouvaient deux immenses frênes sur lesquels, au printemps, il y en avait souvent une paire. C’est là que fut fait ce célèbre tour de force de s’élever en avançant contre le vent : observation d’une importance capitale, qui est décrite dans un chapitre précédent.