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tranger. » Je distribuai aux principaux d’entre eux quelques petits présents qui les enchantèrent ; mais mes armes étaient surtout l’objet de leur admiration. Je me rendis à la demeure du prince de la montagne, qu’une maladie retenait dans sa maison ; il me fit servir à déjeuner, me témoignant le regret de ne pouvoir m’accompagner en personne ; mais il eut la gracieuse prévenance de m’envoyer quatre hommes pour me servir de guides et d’aides. En retour de son amabilité et de l’empressement qu’il mit à me rendre service, je lui présentai un petit pistolet, qu’il accepta avec les marques de la plus grande joie. Le mont Phrâbat et la plaine qu’il domine à huit lieues à la ronde forment le fief de ce dignitaire, dont l’existence est tout à fait celle des princes-abbés de l’Europe féodale. Il a des milliers de vassaux taillables et corvéables à sa merci, et en emploie autant qu’il veut au service de son monastère, où rien ne rappelle le vœu de pauvreté de son ordre ; il ne sort jamais qu’en magnifique palanquin, tel qu’en ont les plus grands princes, et la suite de pages qui l’entoure, ainsi que la troupe de jouvencelles alertes qui sont chargées du soin de son réfectoire, ne m’ont pas paru affectés de la plus légère teinte d’ascétisme.

Je me rendis, de sa demeure, sur le versant occidental de la montagne où se trouve le fameux temple qui renferme l’empreinte du pied de Samonakodom, le Bouddha de l’Indo-Chine. Je fus saisi d’étonnement et d’admiration en arrivant à cette partie de la montagne, et je me sens incapable d’exprimer convenablement la grandeur du spectacle qui s’offrit à ma vue. Quel bouleversement de la nature ! Quelle