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rendit maître de la ville. Les provisions des Siamois étaient épuisées ; la confusion était à son comble, et l’ennemi victorieux mit le feu à la ville. À peine le roi, grièvement blessé, put-il s’échapper avec les flots de fuyards ; il mourut bientôt des suites de ses blessures et de ses fatigues, complètement délaissé ; ce n’est que plus tard qu’on a trouvé et enterré son corps. Son frère, le grand talapoin, et alors le personnage le plus considérable de son pays, fut emmené prisonnier par les Birmans. Ceux-ci s’apercevant que le Siam était trop vaste et trop éloigné pour y établir leur gouvernement, se résolurent à y porter partout le pillage et l’incendie ; ils massacrèrent impitoyablement les habitants pour leur extorquer le secret de leurs trésors supposés. Cette œuvre de destruction et de carnage dura deux mois ; les officiers birmans s’enrichirent des dépouilles des malheureux habitants, dont ils emmenèrent un grand nombre captifs ; non satisfaits encore de ces actes de cruauté et de brigandage, ils laissèrent un chef pégouan, nommé Phaya-Nackong, pour administrer le pays selon son bon plaisir, et avec la charge spéciale de réunir encore des esclaves et du butin, pour transporter le tout en temps opportun dans le pays des Birmans.

« Ainsi périt Ajuthia, en mars 1767, après quatre cent dix-sept ans d’existence, sous trente-trois rois et trois dynasties.

« Et tout le pays des Thai tomba dans l’anarchie, parcouru en tous sens par des bandes armées et déchiré par ses propres enfants autant que par ses ennemis. Les forêts, les déserts même les plus inac-