Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offrir des présents aux pagodes des environs et des étoffes jaunes aux talapoins.

Le roi se montre rarement en public : deux ou trois fois par an seulement, une fois en bateau et une fois sur la terre ferme, dans le courant du mois d’octobre. Sur le fleuve, il est toujours accompagné par trois ou quatre cents barques, contenant souvent plus de douze cents personnes, et l’aspect de cette procession nautique, dont les rameurs sont couverts d’habillements aux couleurs éclatantes, et les barques de banderoles, est réellement d’une splendeur indescriptible et telle que l’Orient seul sait en déployer encore.

Chemin faisant, je ne cessais de m’étonner de la gaieté et de l’insouciance que déploie le peuple siamois, en dépit du joug qui pèse sur lui et des impôts exorbitants dont il est surchargé ; mais la morbidesse du climat, la douceur native des indigènes et le pli de la servitude, creusé de génération en génération, font oublier à ceux-ci les soucis privés et les amertumes inséparables du régime oppresseur.

Partout sur mon passage on faisait des préparatifs pour la pêche, car le moment où les eaux se retirent des champs est aussi celui où l’on prend le poisson, qui, séché au soleil, fournit à la consommation de toute l’année, et s’exporte même en assez grande quantité. Ma barque était tellement encombrée de caisses, de boîtes et d’instruments que l’espace qui me restait était très-restreint ; j’y souffrais de la chaleur et du manque, d’air, mais surtout des moustiques, si nombreux, qu’on pouvait les prendre à la poignée et que leur bourdonnement était comparable